Longtemps boudées des éditeurs imaginaires francophones, les nouvelles et les novellas font un retour remarqué avec des collections comme les Dyschroniques, Une-Heure-Lumière ou plus récemment l’abonnement Chronopages. Et la maison d’édition Argyll s’y met également avec sa collection RéciFs qui a la particularité de ne proposer à ce format que des autrices écrivant dans tous les styles de l’imaginaire. Trois titres sont déjà annoncés, L’agneau égorgera le lion de Margaret Killjoy et Foodistan de Ketty Steward, mais c’est Le Bracelet de jade de Mu Ming qui a ouvert le bal. À la différence de Ton temps hors d’atteinte, l’autre novella de SF chinoise chroniquée très récemment, ce texte est de la science-fiction la plus pure avec une histoire de replis de l’espace, de passage d’un monde à l’autre et de relation entre l’espace et le temps à travers la géométrie et les arts (peinture, joaillerie, paysagisme). Mais l’autrice se démarque en choisissant un cadre historique. Elle commence son histoire en 1640 à un moment où l’empire de Chine bascule d’une dynastie impériale à l’autre et où le pays est secoué par des troubles politiques, économiques et sociaux. Chen, fille d’un ancien juge tombé en disgrâce, reçoit un bracelet de jade étonnant lors d’une fête… Celui-ci lui donne accès dans ses rêves au monde dessiné sur ses flancs. Et s’il existait dans le vide et l’espace entre les choses et les êtres d’autres mondes et dimensions ? Reprenant un style d’écriture et une construction classique des romans historiques chinois (et des light novels et mangas qu’ils ont inspirés), mais également de certains films du cinéma asiatiques (les wuxia, mais également des dramas coréens et japonais), Mu Ming saute d’une époque à l’autre, d’un point de vue à l’autre et esquisse par petites touches sa fresque. Et si la préface du traducteur nous donne le contexte historique et littéraire pour comprendre les règles du monde que nous décrit Mu Ming, la postface de l’autrice nous livre quelques indices mathématiques et physiques pour trouver une explication au bracelet et à sa « magie ». Tout en laissant une grande part de vide, pour que l’imagination de sa lectrice vienne compléter l’œuvre au fil des pages. Le tout sous un format assez long pour laisser une marque durable, mais suffisamment court pour ne pas la perdre dans des circonvolutions inutiles. Et l’ensemble forme un premier texte qui donne fortement envie de découvrir le reste de cette nouvelle collection.
Le Bracelet de Jade
de Mu Ming
traduction de Gwennaël Gaffric
Éditions Argyll