Que l’on connaisse Robert Sheckley à travers ses collaborations avec Roger Zelazny (Apportez-moi la tête du Prince charmant), par ses romans (La Dimension des miracles, Omega) ou par les adaptations au cinéma de son œuvre (Le Prix du danger), l’écrivain fait partie des grands noms classiques de la science-fiction — mais un grand nom un brin tombé dans l’oubli des éditeurs. La jeune maison d’édition Argyll a choisi de le remettre à l’honneur pour inaugurer sa deuxième année d’existence avec Le Temps des retrouvailles , recueil rassemblant treize nouvelles de l’auteur écrites entre 1952 et 1960. Que l’on se rassure, ce ne sont pas du tout des vieilleries, même si le paternalisme des personnages masculins a parfois un caractère suranné, ce qui leur joue des tours. Toutes ces nouvelles ont déjà été publiées en France, et ont bénéficié d’un toilettage de traduction.
Comment caractériser Robert Sheckley ? Les nouvelles de ce recueil vous y aideront avec leur humour parfois grinçant, leurs retournements et leurs quiproquos, mais également leurs réflexions sur la destinée opposée au libre arbitre. Certaines, comme Permis de Maraude, sont légères et optimistes, d’autres, comme Tu brûles ou La Mission du Quedak, flirtent avec l’horreur. D’autres enfin, telle la nouvelle qui donne son nom au recueil Le Temps des retrouvailles, sont empreintes d’une bonne dose de mélancolie. Bref, il serait possible de les commenter toutes une par une, mais ce serait gâcher une bonne partie du plaisir de la lecture. Sachez juste que ces textes vont aborder tous les grands thèmes de l’âge d’or de la science-fiction : premier contact (que celui-ci ait lieu sur Terre ou dans l’espace), voyage dans le temps, dystopie, choc de civilisations, menace de guerre imminente, etc. Et que l’auteur arrivera à chaque fois à vous surprendre par la structure de son récit ou par sa conclusion. À l’exception, peut-être, de la nouvelle ouvrant le recueil, Le Prix du danger, dont la trame a inspiré le film d’Yves Boisset avec Gérard Lanvin, et qui n’égale pas la puissance politique du long-métrage français. Le seul autre bémol ici est la postface de Marc Thivollet, à l’origine préface à Les Univers de Robert Sheckley, recueil paru en 1972 chez OPTA, et qui fait donc référence à des nouvelles absentes du présent ouvrage – frustrant, et de quoi terminer sur une note acide une lecture pour le reste très agréable.
Le Temps des retrouvailles
de Robert Sheckley
traductions de Marcel Battin, Michel Deutsch, Jean-Pierre Pugi et Arlette Rosenblum, révisées par Lionel Évrard
Éditions Argyll
(critique initialement parue dans Bifrost n°106)