Le Club Aegolius

Premier roman, Le Club Aegolius de Lauren Owen renoue avec une tradition anglo-saxonne remontant au moins à Sheridan Le Fanu et 1872 : le roman gothique mettant en scène des vampires. Ici, contrairement au Dracula de Bram Stoker, le vampire ne vient pas du continent pour envahir la Grande-Bretagne. Il est au contraire bien implanté dans le Londres de l’époque victorienne et se cache soit dans la bonne société, via le club Aegolius qui donne son nom au roman, soit il survit dans les franges les plus pauvres de la ville, comme le quartier de Whitechapel rendu célèbre par un certain Jack L’Eventreur. Dans ce livre, celui-ci a d’ailleurs un émule : le Docteur Couteau.
Comme beaucoup de bons romans gothiques anglais,
Le Club Aegolius va s’attacher à la destinée de deux membres de la bonne société campagnarde anglaise : James Norbury et sa sœur Catherine devenus orphelins assez jeunes, mais avec suffisamment d’argent pour être rentier et ne pas courir à tout prix après un époux prospère. Après des études classiques, James monte à la capitale en se rêvant poète. Las, il y fera d’étranges rencontres et disparaît de la circulation. Folle d’inquiétude, sa sœur ainée part à sa recherche et découvre l’envers sanglant d’une métropole très éloignée de son existence très calme.
Comme ses modèles,
Le Club Aegolius va partir loin dans le passé et prendre son temps pour installer la situation. Jusqu’au premier sang, le livre pourrait être un roman classique avec la découverte d’une passion entre deux hommes que tout oppose dans une époque victorienne peu propice à de tels rapprochements. Il faut attendre plus d’une centaine de pages pour avoir un aperçu d’une créature hématophage, et il en faudra encore bien d’autres avant que celles-ci ne soient clairement identifiées pour le lecteur (et bien plus pour Catherine). Reprenant les trucs de ses illustres ainés, l’autrice va sauter d’un narrateur à l’autre, changer de format (d’un récit classique à des extraits de journaux intimes par exemple) et faire des allers-retours temporels. Particulièrement original dans son traitement des vampires et de leurs particularités, que celles-ci soient issues de la tradition ou aient des liens avec leur condition de mort-vivant, Le Club Aegolius séduit également par son traitement moderne des personnages loin des clichés à la Jane Austen. Ainsi Catherine Norbury n’est pas une frêle débutante, mais une trentenaire célibataire qui pense avoir fait une croix sur sa vie sentimentale et qui, du coup, s’embarrasse assez peu du qu’en-dira-t-on pour retrouver et aider son frère. Le milliardaire américain, équivalent de Quincey Morris dans Dracula, n’est pas en mission de séduction, mais confronté lui aussi à ces créatures. Il sera le plus souvent un allié pour elle, et non un protecteur. En revanche, Lauren Owen n’échappe pas non plus au travers de son genre de prédilection, avec ça et là quelques longueurs et une conclusion ayant bien une cinquantaine de pages en trop. Néanmoins, son livre renouvelle avec talent la figure classique du vampire en le sortant de l’ornière de la bit-lit ou du gore à tout prix.

Le Club Aegolius
de Lauren Owen
traduction d’Emmanuelle Ertel
Éditions Actes Sud

(critique initialement parue dans Bifrost n°104)

Cette publication a un commentaire

  1. Anna

    Très tentant ! J’adore les romans avec changement de narrateurices (comme Dracula ou Frankenstein, mon préféré).

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