La Ville des histoires

Il y a un peu plus d’un an, La Volte sortait la première aventure de John Nyquist avec Un homme d’ombres, cette année l’éditeur récidive avec La Ville des histoires, toujours du même auteur, Jeff Noon. Pour les curieux à la mémoire longue, il s’agit de The Body Library dont je parlais à l’époque. Et si vous avez trouvé qu’Un homme d’ombres était très « weird », vous n’allez pas être déçu avec cette nouvelle enquête encore bien plus étrange.
Nous retrouvons John Nyquist à Histoireville, quelques semaines après la fin du roman précédent, alors que le détective privé cherche à creuser son trou dans une nouvelle cité aux mœurs étranges. Dans celle-ci, comme son nom l’indique, tout est histoire : les quartiers et les rues portent des noms d’écrivains (Calvino, Melville, Dickens, Plath, Marlowe), les histoires s’infiltrent sans cesse dans le quotidien des gens jusqu’à en colorer les expressions comme « un autre jour, une autre histoire » pour « demain est un autre jour » ou « son histoire est terminée » ou « il ne reste plus qu’une page blanche » pour dire d’une personne qu’elle est décédée, et il y a même une unité de police dédiée à la cohérence des récits et des agences spécialisées dans « l’effacement » de personnes ou d’événements. Partant d’une simple filature qui se termine mal, John Nyquist va se trouver embringué dans un récit où la frontière entre la fiction et le réel s’abolit et où le sang et l’encre se mêlent intimement.
Et je n’en dirais pas plus tant cette histoire est tordue, tarabiscotée et pleine de rebondissements. Tout comme John Nyquist, la lecture va vous imposer en permanence un effort pour réévaluer ce qu’il se passe et comprendre peu à peu les règles qui régissent Histoireville et la façon dont la fiction et la « non-fiction » (qui reste de la fiction pour nous) s’imbriquent et interagissent l’une sur l’autre. Et pourtant, cet effort n’est pas une contrainte. Même si, contrairement à mon habitude, je n’ai pas dévoré La Ville des histoires d’une traite, je me suis aventurée avec grand plaisir dans cette histoire guettant les indices au coin de chaque page, me méfiant des lettres et savourant avec délice les allusions de l’auteur, comme la si évidente Kafka Court qui sert d’adresse au siège de la police des récits. Et je m’aventurerais encore une fois volontiers dans les pas de John Nyquist dans une nouvelle histoire et peut-être une nouvelle ville, si La Volte en continue la publication.

La Ville des histoires
d
e Jeff Noon
traduction de
Christel Gaillard-Paris
Éditions
La Volte

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