La Malnata

Monza dans les années 30. Dans l’Italie fasciste, la ville industrielle est coupée en deux : d’un côté la classe bourgeoise où le paraître prime, quels que soient les compromis à faire, et de l’autre la classe ouvrière et paysanne qui survit difficilement au service de l’autre. Dans cette ville, Francesca, la fille du chapelier rêve à la liberté dont semble bénéficier Maddalena, la malnata (ou mal-née) du titre, une orpheline pauvre à la réputation de sorcière. Peu à peu, un lien fort va se nouer entre les deux adolescentes que leurs vies et leurs caractères opposent, mais que leur envie de liberté rapproche.
Avec La Malnata, Beatrice Salvioni nous conte une histoire plongeant dans une époque peu représentée (en France du moins), celle de l’Italie fasciste vue de l’intérieur. Ici, les deux adolescentes vivent sous le régime fasciste depuis toujours et la guerre d’Éthiopie est sur le point d’éclater. Et l’autrice nous montre cette période à hauteur de gens ordinaires. Ses protagonistes quittent brutalement l’innocence de l’enfance en refusant leur destin de femme qui, selon les principes politiques en vigueur, doit se comporter comme l’épouse de Mussolini : se donner et se taire. S’ouvrant sur une scène de mort violente et de corps dissimulé par les deux adolescentes, le roman va revenir quelques mois en arrière pour nous narrer la rencontre entre Francesca et Maddalena et l’enchaînement d’événements qui vont les conduire à cet acte. Le tout prenant la forme d’un pendant féminin, italien et tragique des souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol et plus particulièrement La Gloire de mon père et Le Château de ma mère où Marcel, jeune citadin se lit d’amitié avec un paysan de son âge bien plus éveillé que lui). C’est ce mélange de souvenirs d’enfances, de scènes fortes (les jeux avec les lézards et les chats, le vol de clémentines…) et de fonds tragiques qui fait la force de La Malnata. Le fascisme y est dénoncé par des exemples concrets : comment le père de Matteo a perdu sa boucherie, l’emprise du signor Colombo sur la famille de Francesca, les rites imposés à l’école et à l’extérieur. La veulerie des hommes et la lâcheté des adultes sont également bien présentes. Dans La Malnata, les parents sont soient violents, soit démissionnaires. Aucun ne viendra au secours des deux héroïnes qui ne pourront compter que sur elles-mêmes. Et peut-être l’une sur l’autre ?
La Malnata est le premier roman de Beatrice Salvioni, mais son rythme enlevé, son écriture visuelle sans tomber dans le voyeurisme et ses personnages attachants en font une réussite totale. Une autrice à suivre…

La Malnata
De
Beatrice Salvioni
Traduction de Françoise Bouillot

Éditions Albin Michel

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