Aucune terre n’est promise

Et si en 1904 à la suite de son expédition en Afrique, Nahum Wilbusch avait rendu un rapport favorable à l’établissement de Palestina, un pays juif près du lac Victoria, entre l’Ouganda et le Kenya ? La face du monde en aurait été changée, certaines tensions évitées et des millions de victimes épargnées. À moins que… Cette situation de départ est le postulat de départ d’Aucune terre n’est promise de Lavie Tidhar. Plus exactement, nous y suivons Lior Tirosh qui rentre chez lui après avoir vécu pendant des années à Berlin avec son ex-femme et son fils. Écrivain de pulps sans ambition, il ne reconnaît plus son pays natal entouré par un mur pour le protéger des terroristes nandis (la population qui vivait dans ce coin d’Afrique avant que le colon britannique ne cède la terre pour créer Palestina, toute ressemblance avec ce qui se passa dans un coin de notre Moyen-Orient…). Et à peine arrivé en ville, il se retrouve mêlé à un meurtre et doit enquêter sur la disparition de sa nièce.
Sauf que… Aucune terre n’est promise n’est pas qu’une uchronie. C’est également une histoire de voyage entre les mondes, entre les différentes possibilités de la création. Certains ressemblant fort à notre propre monde, d’autres où les Juifs se sont réinstallés dans l’Israël biblique et vivent en bonne intelligence avec les autres populations dans un monde futuriste à la Central Station, d’autres où Jérusalem a été radiée de la carte, d’autres enfin où
Homo Sapiens n’est jamais devenu l’espèce dominante… Et pour compliquer le tout, Lavie Tidhar nous raconte une histoire avec trois narrateurs, en changeant de point de vue à chaque fois : à la troisième personne du singulier quand nous suivons Lior, à la deuxième pour marcher dans les pas de Nour et à la première pour nous glisser dans la peau de Bloom, l’antagoniste. Le tout fait de ce roman une galerie des Glaces où chaque chapitre est un reflet déformé du suivant ou une ouverture vers un ailleurs inattendu. Sans que nous ne sachions jamais ce qui est réel ou imaginé dans l’univers du livre, quels souvenirs des personnages sont vrais ou hallucinatoires. Et pourtant, l’écriture est fluide et l’on entre avec plaisir dans ce dédale avant d’en sortir avec quelques pistes de réflexion sur notre propre monde et sur la façon dont, à notre petite échelle, nous pouvons choisir d’agir ou nous sur ce qui nous entoure.

Aucune terre n’est promise
de
Lavie Tidhar
traduction de Julien Bétant

É
ditions Pocket

NB : Cette chronique s’inscrit dans le défi lecture imaginaire de 2023 concocté par Jean-Yves et Océane. Si le cœur vous dit de participer, allez lire leurs présentations et faites votre propre menu. Arbitrairement, ce livre sera dans la catégorie #M7C1. Il peut correspondre également aux catégories #M1C4, #M2C4, #M2C5, #M4C3, #M4C4 et #M6C6.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.