Demain, la Commune !

La science-fiction et l’uchronie ne sont pas des genres récents. En France, le « merveilleux scientifique » et l’anticipation se portaient déjà bien au XIXe siècle. Avec Demain, la Commune !, ArcheoSF et Publie.net le prouve une fois de plus. À l’occasion des cent cinquante ans de la Commune de Paris et de sa répression sanglante, cette anthologie rassemble huit textes écrits dans les années qui ont suivi les événements et qui imaginent tous le monde d’après si la Commune avait plus ou moins réussi. Certains le sont par des communards et des anarchistes, d’autres par des anticommunards et d’autres encore par des gens plus modérés et moins impliqués politiquement. En revanche, tous peuvent sembler étranges à l’amateur de SF moderne en raison de leurs structures, mais ils ont tous un intérêt certain pour qui aime la littérature ou l’histoire de cette période.
Le premier texte, Les escargots sympathiques d’Alphonse Allais est une nouvelle loufoque sur une expérience scientifique de communication imaginée lors de la Commune.
Jules Bailly (Un Mariage en 1886) et René de Maricourt (Au bout du fossé ! La commune de l’an 2073) livrent tous deux leurs angoisses liées à la réussite de la Commune : l’un sous la forme d’une courte pièce de théâtre pompeuse, l’autre sous forme d’une dystopie finalement assez proche des plus récents Hunger Games ou Divergente qui ont la côte dans les rayons Young Adult. Et qui figure parmi les textes les plus modernes de l’ouvrage.
Eugène Pottier met lui ses rêves en chansons avec Elle n’est pas morte et Olivier Souëtre avec La Cité de l’Égalité en imagine un tableau détaillé et précis de ce que pourrait être un Paris où l’anarcho-syndicalisme est le principe de fonctionnement à 50 ans d’écart. Tandis que Michel Zévaco dresse un compte-rendu aux règlementations près d’une réussite dans Le Triomphe de la Révolution enlevé, mais hélas marqué par un relent antisémite que je ne soupçonnais pas chez l’auteur de la série des Pardaillan.
Très équilibré et très orienté histoire alternative, Émile Second imagine dans Histoire de la Décadence d’un Peuple les conséquences à partir des événements réels d’un Adolphe Thiers se maintenant indéfiniment au pouvoir, après avoir écrasé dans le sang la révolte, en flattant toutes les forces en présence.
Mon texte préféré du recueil est de l’autrice André Léo (pseudonyme de Victoire Léodile Béra) : La Commune de Malenpis. C’est un joli conte expliquant que les bienfaits d’une révolution ne sont jamais acquis et qu’il est très facile de replonger dans les travers de l’autoritarisme et du fanatisme par paresse intellectuelle et appât du gain.
Au final, Demain, la Commune ! rassemble des textes assez déroutants pour le lecteur actuel, car d’un genre peu lu, même à l’école et dans un style qui n’a pas, ou peu, été modernisé, mais il apporte des éclairages intéressants, y compris sur notre époque actuelle. Il est chaudement recommandé à quiconque s’intéresse à cette période de l’histoire de France ou aux différentes formes de créations littéraires dans l’imaginaire.

Demain, la Commune !
anthologie préfacée par Jean-Guillaume Lanuque
Éditions ArchéoSF/Publie.net

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