Repères sur la route

Parfois un livre traîne depuis longtemps dans ma bibliothèque… Tellement longtemps que je ne sais plus si je l’ai lu entièrement ou en partie. Et un soir, fatiguée, je le prends… Erreur stratégique ou coup de génie ? Ce Repères sur la route de Roger Zelazny peut être perçu comme l’un ou l’autre, suivant l’état d’esprit dans lequel vous l’abordez.
En l’occurrence, ce soir-là, ce fut une idée lumineuse. J’avais juste atteint le bon niveau d’épuisement pour ne pas m’énerver sur les incohérences du début : le roman commence par un chapitre « Deux » avant de passer au « Un », par exemple. Et au contraire, pour me laisser porter le long de cette route où Les Fleurs du Mal ou Feuilles d’herbe dissimulent derrière leurs pages des intelligences artificielles attachantes, où Donatien Alphonse François de Sade chevauche un tyrannosaure, ou des sibylles des Cavernes côtoient des jeunes étudiantes en fac de lettres du 20e siècle en quête de figure paternelle. En pratique Repères sur la route peut être résumé de façon très linéaire : un homme remonte une route temporelle à la recherche de son passé en échappant à plusieurs assassins, tandis que son fils cherche à le retrouver. Sauf que… En disant ceci, je ne vous ai rien dit du foisonnement du roman de Roger Zelazny et de sa construction absolument chaotique.
Les premiers chapitres vous placent en effet au cœur de l’action en vous faisant sauter d’un personnage à l’autre, sans comprendre de prime abord les liens qui les unissent. Il faut attendre presque la moitié du roman, heureusement de ce point de vue très court, pour commencer à avoir des liens qui se tissent entre eux, au-delà de quelques indices qui auraient tout aussi bien pu être des coïncidences. D’autant que Repères sur la route avec son paysage changeant au fur et à mesure de la progression des protagonistes sur cette route, et ses personnages qui ne sont peut être pas si humains que ça évoque d’autres livres de Roger Zelazny, dont le fameux cycle d’Ambre. Et que ces ressemblances sont loin d’être fortuites. Le livre est également truffé de clins d’œil érudits à la littérature, mais également à l’histoire ou aux religions, ou de traits d’humour parfois subtil, parfois grivois comme une plaisanterie du pousse-café. Et sous ses dehors foutraques, il cache une profondeur philosophique non négligeable, tout en évitant les lourdeurs et les accidents de parcours d’une pirouette ! En revanche, à ma connaissance, il n’est plus réédité neuf. Vous devrez donc le traquer chez les bouquinistes et les libraires d’occasion.

Repères sur la route
de 
Roger Zelazny
traduction d’A
lain Dorémieux.
Éditions Denoël

 

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