Un long voyage

Premier roman, Un long voyage de Claire Duvivier est un double récit. C’est à la fois l’histoire de deux vies, et l’histoire de la fin d’une époque et l’émergence d’une autre.
L’histoire de Liesse d’abord, le narrateur. Insulaire orphelin, il va être abandonné comme esclave aux colons venus du continent. De fil en aiguille, il deviendra le secrétaire d’une de leurs hautes fonctionnaires et la suivra jusqu’à la ville lointaine où elle finira sa carrière. L’histoire de Malvine ensuite, l’administratrice en question, guère plus vieille que l’orphelin, mais issue des plus vieilles familles de l’Empire. Intelligente et vive, elle a parfois besoin qu’on lui rappelle les conditions de vie, n’ayant pas eu la même expérience que la sienne. L’histoire de la fin d’une époque : celle de l’Empire, même si elle est vue des provinces lointaines et non de la capitale ; et celle de la ville où Liesse et Malvine ont échoué, trop confiante, trop égoïste et brutalement rattrapée par son passé.
Un long voyage est un récit épistolaire, comme une longue lettre adressée à une destinataire dont nous ne saurons finalement que très peu de choses. Linéaire, il contient néanmoins des méandres et des ellipses à la manière dont des grands-parents peuvent raconter à leurs descendants l’histoire de la famille. C’est un long récit crépusculaire : Liesse est plus souvent un spectateur privilégié qu’un acteur clé de la grande histoire. Et dans son propre récit personnel, il est l’éternel déraciné : « tabou » dans son Archipel natal, trop insulaire pour être pleinement sujet de l’Empire auquel il a consacré sa carrière, et trop étranger — même aux yeux de ses propres enfants — pour s’intégrer pleinement à la ville où il finira ses jours.
Classé en fantasy, comme À la pointe de l’épée d’Ellen Kushner, car  il se déroule certes dans un monde fictif (qui m’a souvent rappelé la Rome Éternelle de Robert Silverberg), Un long voyage pourrait avoir sa place en littérature générale. Seul un passage, véritable dislocation temporelle, relève du fantastique ou de la science-fiction selon votre interprétation. En tout cas, même si l’action ne manque pas, ce récit contemplatif invite à l’errance dans les pas de son conteur. Une découverte très belle et une plume à suivre.

Un long voyage
de 
Claire Duvivier
Éditions Aux forges de Vulcain

Cet article a 2 commentaires

  1. yogo

    Il faudrait que je réessaye, je n’avais lu qu’une vingtaine de pages et je n’ai pas du tout accroché…

    1. Stéphanie

      Oui, complètement. Et si possible avec du temps devant. Qui sait si je l’aurais apprécié, sans être moi-même en plein voyage durant ma lecture ?

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