Amérique centrale, quelques années avant l’arrivée des Européens. L’empire de Mexica est prospère et les relations entre les Humains et les Dieux se règlent avec des sacrifices et des rituels nombreux. Le grand prêtre des Morts, Acatl, est l’un des gardiens de l’empire, chargé de présider aux funérailles, de déterminer les causes de la mort et surtout de garder les frontières entre notre monde et celui d’en-dessous, pour qu’aucun monstre ne s’échappe des Enfers et ne fasse des ravages dans la population de Tenochtitlan. Et le pauvre n’a pas la tâche facile. Dans Obsidian and Blood, Aliette de Bodard nous présente trois de ses enquêtes à quelques mois d’intervalles les unes des autres. Dans la première, Servant of the Underworld, tout part de la disparition d’une prêtresse courtisane : un guerrier hagard ensanglanté est retrouvé sur les lieux et l’esprit d’un jaguar pourrait avoir enlevé la disparue. Dans la deuxième, Harbinger of the Storm, Acatl va devoir protéger l’empire alors que la succession pour le trône est incertaine. Enfin, dans la troisième, Master of the House of Darts, une mystérieuse épidémie menace la capitale.
L’autrice part du principe que les dieux aztèques sont réels et que les prêtres, les hauts dignitaires et d’autres habitants de l’Empire ont des capacités magiques permettant de communiquer avec les différents au-delà et de les utiliser pour tenter d’influencer le cours de leur vie. Dans cet univers, Acatl, fils de paysan ayant accédé aux plus hautes fonctions de la prêtrise contre son gré, fait bon gré, mal gré office de détective de l’occulte. Et chacune de ses enquêtes va le forcer à démêler les intrigues de puissances nettement supérieures à la sienne : qu’ils s’agissent de dieux voulant renverser le statu quo actuel ou de lutte de pouvoirs au sommet de la Triple Alliance dirigeant l’empire. Sans oublier d’y ajouter ses proches : son frère étant le premier suspect dans Servant of the Underworld et sa jeune sœur va se retrouver dans une position de pouvoir, finalement assez peu enviable également.
Si la mythologie mésoaméricaine est souvent présente en fantastique et en fantasy, c’est généralement par le biais d’une incursion dans notre monde moderne, par une métaphore de la conquête espagnole ou par celui d’une version totalement fictive des lieux. L’originalité première d’Obsidian and Blood est de nous plonger dans ce qui aurait pu être le quotidien des Mexica, la magie en plus. Aliette de Bodard se cale sur des événements réels, même si elle avoue parfois jouer avec les dates et les noms dans ses postfaces, et cela donne du corps à son récit (à moins que ce ne soit les multiples tortillas, tamales et autres tritons avalés par les personnages en guise de repas). L’autre originalité et de nous procurer à chaque fois un pur polar : avec une enquête à mener de bout en bout, des femmes fatales, des témoins non fiables, des péripéties dangereuses, des ennemis et amis retournant leurs vestes, etc. Imaginez-vous dans un croisement entre Sherlock Holmes et les polars de Dashiell Hammett, mais quelques siècles plus tôt et nettement plus au sud de Los Angeles, et vous aurez la bonne atmosphère. Attention, si les trois histoires (et les 3 nouvelles disponibles gratuitement sur le site de l’autrice) sont indépendantes les unes des autres, mieux vaut néanmoins les lire dans l’ordre pour comprendre la progression de certains personnages comme Teomitl, l’apprenti d’Acatl. Les versions papier étant presque toutes épuisées, vous pouvez retrouver les livres en versions numériques principalement (personnellement, ils faisaient partie d’un Humble Bundle de trilogies autour de l’imaginaire). A noter également que si vous ne lisez pas en anglais, Mnémos ressortira le premier en français sous le titre Serviteur des Enfers en mars.
Obsidian and Blood
d’Aliette de Bodard
Éditions JABberwocky Literary Agency