Une fois terminé American Gods, quoi de mieux que de replonger dans un univers où les dieux et les hommes se mélangent à nouveau ? Et pourquoi ne pas se pencher sur le devenir d’un des personnages secondaires les plus intéressants du livre, Mr.Nancy ? S’il n’est officiellement pas une suite directe du premier, Anansi Boys met lui aussi en scène un Mr Nancy de Floride – qui disparaît très vite d’une chute assez mémorable de la scène d’un karaoké – pour laisser la place à sa descendance. À savoir ses jumeaux : Fat Charlie qui a suivi sa mère en Angleterre et mène désormais à Londres une vie terne de comptable pusillanime fiancé à une chaste demoiselle et son dragon de mère, et Spider, le séducteur oublié – ou chassé – de la famille qui a hérité du don paternel divin pour raconter des histoires et arranger la réalité suivant ses désirs.
Quand, à la suite de l’enterrement de son père, Fat Charlie apprend (ou se souvient de) l’existence de Spider, les deux frères se rencontrent et… le chaos se déploie dans sa petite vie jusqu’ici bien rangée. Si American Gods était une adaptation en road trip de vieilles sagas et épopées, Anansi Boys comme le trickster du titre et père des héros joue plus la carte de la comédie pure et dure. Et pour cela Neil Gaiman va mélanger les contes folkloriques d’Afrique de l’Ouest et des Caraïbes avec les pièces de théâtre anglaises qu’il aime tant, citant même nommément Macbeth dans une scène, même si ce vaudeville transcontinental mêlant divin et humain, et avec des jumeaux échangeant leur identité, rappelle plus d’autres pièces de Shakespeare comme La Comédie des erreurs ou La Nuit des rois. Et comme dans toutes les bonnes représentations, après de multiples péripéties et quiproquos, tout se termine dans la joie et les chansons…
Avec ce roman, Neil Gaiman déploie une autre facette de son talent en jouant la carte de l’humour pur. Les tribulations de Fat Charlie nous amusent et nous sommes navrés pour lui, mais il n’y a jamais de réelle inquiétude sur sa survie, ni sur celle de son frère ou de leurs bien-aimées. Et au passage, l’auteur nous régale de comparaisons savoureuses entre la vie quotidienne anglaise et américaine, de répliques qui font mouche et de descriptions tarabiscotées, mais très imagées comme le « They were geological ages that were probably younger than Mrs Dunwiddy » (certaines ères géologiques étaient probablement plus jeunes que Mme Dunwiddy).
Comme ce n’est pas réellement une suite, Anansi Boys peut se lire indépendamment d’American Gods ou même en premier. Comme le précédent, si vous préférez le lire en français, il est disponible chez Au Diable vauvert. Et Mr Nancy ? Ne vous inquiétez pas, comme tous les dieux chez Neil Gaiman, tant que l’on continue à parler de lui et à raconter des histoires, il n’est jamais tout à fait mort.
Anansi Boys
De Neil Gaiman
Éditions Harper Collins
Anansi Boys est définitivement un de mes romans chouchous, un de ceux qui éclairent la journée quand elle est trop sombre.