L’île des morts

Parmi les auteurs auprès desquels je reviens régulièrement figure Roger Zelazny. Se moquant allégrement des différences de genres entre science-fiction, fantasy, fantastique ou horreur, jouant avec son texte suivant l’émotion qu’il cherche à produire sur son lecteur, l’écrivain pourtant décédé en 1995 ne cesse de m’étonner et de me surprendre. Et quand, au détour d’un bouquiniste je tombe sur deux de ses livres (je vous parlerai prochainement de l’autre je pense), je ne peut que craquer. Ici, nous allons parler de L’île des morts, écrit en 1969, un court roman de science-fiction particulièrement pulps. Et parfait pour découvrir l’auteur dans sa période la plus psychédélique, sans pour autant être aussi déconcerté qu’avec Toi l’immortel.
Dans L’île des morts, nous découvrons Francis Sandow, le dernier homme en vie né sur Terre au XXe siècle, bien des siècles avant le début du roman. Dans un univers où l’humanité a rencontré d’autres races sentientes et a peuplé de nombreuses planètes, Francis Sandow est devenu richissime et a perdu le compte de ses ennemis, amis, et amours croisés et perdus dans les brumes du temps. Il a également la particularité d’être l’un des 27 Noms – et le seul humain parmi eux – c’est-à-dire d’être un individu capable de se laisser posséder par une divinité d’un panthéon extra-terrestre et d’avoir ainsi la possibilité de terraformer par la pensée des planètes entières et d’accorder toute leur biosphère à sa personne. Quand il commence à recevoir des photos récentes représentant des connaissances mortes depuis des siècles, il se voit obligé de retourner sur l’un des mondes qu’il a créés et y affronter sa némésis : la mort.
L’île des morts fait partie des romans essentiels de Roger Zelazny, et il est très court : moins de 200 pages dans sa version de poche. Et pourtant, il est très riche : de l’action à profusion, des digressions venues d’on ne sait où, mais passionnantes (sur la fabrication des pipes en écume ou en terre de bruyère, sur le rôle des espions dans la vraie vie par rapport à la pop culture, sur l’importance du sommeil pour gérer les traumatismes, etc.), et suffisamment de variété dans les mondes et les personnages présentés pour satisfaire le « sense of wonder » de tout fan de SF. En revanche, le roman date, donc on y trouve quelques clichés très pulps : le héros est riche, puissant et parcourt avec aisance la galaxie (à la manière d’un James Bond dans les films d’espionnage dont il se moque) ; les personnages féminins sont assez réduits, même s’il évite les descriptions trop détaillées sur leur apparence et en parle également en discourant des aspects de leur personnalité. Et surtout la traduction est assez datée… Un « véhicule de louage » pour parler d’une automobile louée dans la ville où Francis Sandow arrive ? Le texte mériterait peut-être un certain toilettage, mais il est toujours très agréable et offre, le temps d’une soirée, un bon moment d’évasion en compagnie d’une des plus belles plumes de l’imaginaire du XXe siècle.

L’île des morts
de Roger Zelazny
traduction d’Alain Doremieux
Éditions J’ai Lu
(PS : Pour la version que j’ai en main, il a été récemment réédité chez Mnémos)

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