J’ai un goût certain pour le roman gothique et les phénomènes de hantise. Et si les textes les plus connus datent du XIXe ou du XXe siècle, quand un premier roman paraît dans ce genre en 2024, ma curiosité est piquée. Et, ma foi, malgré quelques défauts notamment dans son rythme, Les Possédées de Johanna van Veen coche avec succès de nombreuses cases du genre.
L’histoire débute aux Pays-Bas dans les années 1950 : Rose vit avec Mama qui la maltraite et se sert d’elle comme médium pour ses séances de spiritisme, et Ruth la compagne spirituelle qu’elle seule peut voir. Un jour, Agnès, jeune veuve indo-européenne vient assister à une séance et l’achète à Mama pour qu’elle soit sa dame de compagnie dans sa grande demeure. Le début du bonheur ? Non, car tout se finira de façon sanglante et Rose raconte son histoire au Dr Montague, le psychiatre chargé d’évaluer sa responsabilité pénale dans ce fait-divers tragique.
Et Les Possédées va alterner les souvenirs de Rose, pas toujours dans l’ordre chronologique, les récits que lui racontent les autres personnes, et les rapports du médecin. Peu à peu, une double histoire tragique se construit : celle de Rose, mais également celle d’Agnès. Deux femmes maltraitées depuis le plus jeune âge, ayant une telle soif de reconnaissance et d’être aimée au point de faire des erreurs terribles et de blesser les personnes qu’elles aiment. Deux femmes qui ont un « esprit-compagnon » ou qui croient en avoir un et qui vont se trouver pour le meilleur et le pire. Comme dans les plus anciens des romans gothiques, l’horreur et le désir sont intimement liés et les éléments les plus atroces nous sont présentés avec autant de flegme que la liste des courses. Ce qui les rend encore plus glaçants ? Évidemment ! En revanche, et peut-être est-ce un défaut lié au fait qu’il s’agit d’un premier roman, le récit de Johanna van Veen manque de rythme, et souffre d’un gros coup de mou au bout de 150 pages quand Rose emménage chez Agnès. J’avoue d’ailleurs avoir sauté allègrement quelques paragraphes pour aller plus vite. Heureusement, l’autrice se reprend et finit en apothéose son roman. Avec dans la grande tradition du genre, plusieurs épilogues, quelques années après. Et toujours un doute sur la réalité des événements : faut-il croire Rose ?
Les Possédées
de Johanna van Veen
traduction de Claire Desserrey
Éditions Hachette