Parfois quand l’actualité est morose, il est bon de replonger dans un classique. Et pourquoi pas revenir aux sources d’une de mes passions horrifiques, les vampires ? J’ai donc relu Carmilla de Sheridan Le Fanu, d’abord paru en feuilleton entre 1871 et 1872, soit quelques décennies avant le Dracula de Bram Stoker. Et pour l’occasion, ce fut dans une belle édition en version originale, achetée à Dublin, la ville natale de l’auteur.
Pour être brève, l’histoire raconte comment Laura, fille d’un gentleman anglais vivant en Styrie (une région au sud de l’Autriche), tombe sous le charme de Carmilla et manque de mourir sous ses crocs, et comment la vampire fut finalement détruite.
Mais le charme du récit marche parfaitement. Prenant la forme d’une correspondance rédigée par Laura bien après les faits rapportés, il se déroule dans un cadre typique de roman gothique : un manoir isolé en pleine campagne à des kilomètres de la plus proche habitation. Dans celui-ci, un gentleman anglais veuf élève sa fille de 19 ans, Laura donc, avec l’aide de deux gouvernantes, Madame et Mademoiselle. L’adolescente, blonde et intelligente, mais naïve en raison de son isolement, est déçue de ne pas recevoir la visite d’un ami de son père accompagné de sa nièce et accueille avec joie l’arrivée soudaine de Carmilla qui, victime d’un accident de calèche devant le château, y a été confié par sa mère qui devait fuir rapidement pour une raison mystérieuse.
Nous y voyons comment Laura et le reste des habitants du château tombent sous le charme de Carmilla, malgré des habitudes étranges (une arrivée tardive aux repas, une langueur corporelle qui ne correspond pas à sa vivacité d’esprit, etc.) alors que dans les villages alentours, les jeunes filles tombent comme des mouches. Nous voyons également Laura s’étioler peu à peu et dans le tiers final, la vraie nature de Carmilla (ainsi que son véritable nom) est dévoilée. Le roman est très court, donc il reste des questions sans réponses (notamment qui est la créature prétendant à deux reprises être la mère de Carmilla et est-ce une vampire ou une humaine subjuguée à la manière de Renfield ?). Mais il est fascinant, sensuel et très direct (comme peut l’être un récit irlandais paru à l’origine dans un mensuel littéraire anglais sous la reine Victoria !) Et même en connaissant les tenants et les aboutissants de l’histoire, je me suis plongée dans l’histoire avec délice. Sheridan Le Fanu y excelle en particulier pour décrire précisément une atmosphère, un personnage en quelques mots. Il donne de la chair aux créatures nées de sa plume. À tel point que la voix de Carmilla vient presque susurrer à l’oreille ses paroles au fil de la lecture. Si vous souhaitez le découvrir en français, il existe de multiples éditions papiers du roman ou il est disponible gratuitement en ligne comme ici. En version originale, il est également dans le domaine public, ici ou là.
Carmilla
de Sheridan Le Fanu
Éditions Pushkin Press