Dans Dracula, on se souvient facilement du comte ou de Mina Harker. Dans Jane Eyre, outre l’héroïne qui donne son nom au roman, Edward Rochester est le personnage le plus marquant. Mais qui se souvient de Lucy Westenra, la première victime nommée du vampire, ou de Bertha Mason, la première femme de Rochester ? C’est à ces deux oubliées de la littérature que s’intéresse Gwendolyn Kiste dans Reluctant Immortals, le tout en les plongeant dans la Californie des années 1960, en plein Flower Power. Son postulat de base est simple : les deux femmes ont « survécu » à leurs bourreaux (quitte à ajouter une composante surnaturelle à Jane Eyre avec une mystérieuse entité hantant le grenier qui sert de geôle à Bertha) et passent leur éternité comme colocataires à Hollywood. Quand les deux hommes de leurs morts s’allient et retrouvent leurs traces, elles vont devoir surmonter leurs peurs, les traumatismes de leur passé pour devenir les héroïnes de leur propre histoire, pour éviter qu’ils ne prennent au piège d’autres femmes.
En propulsant deux purs produits de l’aristocratie victorienne en plein milieu de la Révolution hippie, Gwendolyn Kiste sait manier le contraste et provoquer quelques éclats de rire (notamment grâce au piquant des réparties de Lucy) entre deux moments intenses. Il vous faudra faire preuve d’une certaine dose de suspension d’incrédulité – et comblez-vous même les non-dits de l’autrice – pour accepter que Bertha, Rochester ou Jane sont encore vivants ou les relations entre Lucy, Dracula et un autre personnage de leur passé. Mais ce point surmonté, l’ensemble se lit avec beaucoup de plaisir et la façon dont Lucy et Bertha doivent gérer leurs ex toxiques, tout en luttant contre l’incrédulité de leur entourage est particulièrement bien décrite, le tout avec le dosage parfait entre action, horreur et comédie. Vous obtiendrez un livre plus que plaisant, à déguster dans la chaleur de la nuit estivale.
Reluctant Immortals
De Gwendolyn Kiste
Éditions Titan Books
