Shiro Kuroi est un mangaka japonais qui a la particularité d’avoir d’abord été publié commercialement en Europe avant de l’être au Japon. C’est Ki-Oon qui l’a révélé en France avec sa série d’horreur spatiale en huis clos, Léviathan. Pour ce mois d’octobre dédié à l’imaginaire et donc au fantastique, l’éditeur sort les premières histoires créées par le mangaka dans un recueil, L’Hôtel de l’Autre monde. Jusqu’ici celles-ci n’étaient disponibles que dans les conventions japonaises (ou en version numérique sur le site du mangaka) vendues par l’auteur lui-même. Ces nouvelles ont toute une particularité : elles mettent en scène le même hôtel de campagne mystérieux posé au bord d’un fleuve. Et ce fleuve sert de frontière entre les morts et les vivants, l’hôtel jouant le rôle des limbes où les âmes patientent et trouvent le courage de traverser le fleuve ou de rebrousser chemin. Quitte à ne plus se souvenir précisément de leur séjour à l’hôtel ni des autres voyageurs qu’elles y ont croisés.
Les six récit de ce recueil ont tous une saveur douce-amère, renforcée par le trait à la peinture – numérique, il me semble – aux visages doux et aux paysages proches de l’aquarelle. D’autant que, pour une fois, ce manga est proposé uniquement avec des planches en couleurs. Amours perdus ou retrouvés, rencontre fortuite au détour d’une catastrophe, sacrifice d’un proche ou maltraitance parentale : différentes sortes de morts sont abordées dans ces pages, mais presque toujours avec une fin qui réconforte ou qui apporte un sentiment de justice. À noter que la toute dernière histoire, La planète des brumes, est un récit de SF postapocalyptique, qui change de ton, mais qui est particulièrement réussie visuellement. En ne rappelle pas du tout Léviathan, l’autre récit de SF du mangaka, même si elle se situerait dans le même univers et servirait de préquelle selon l’éditeur français.
Du côté du scénario, si les mythes bouddhistes (avec Enma le juge des morts ou les limbes des enfants) servent de support à cet univers, il y a également quelques touches aux références mythologiques européennes, comme l’Achéron, l’un des fleuves des Enfers gréco-romains. Le tout mêlé à des préoccupations bien contemporaines.
Le résultat est un ouvrage unique superbe à dévorer d’une seule traite ou à savourer une histoire par-ci ou par-là. Et l’occasion de découvrir un aspect plus apaisé et plus « humain » de ce mangaka.
L’Hôtel de l’Autre monde
De Shiro Kuroi
Traduction de Damien Guinois
Éditions Ki-Oon