Six nouvelles. Six textes froids à la mécanique parfaitement huilée. Avec son recueil, Je suis la reine, Anna Starobinets propose un fantastique à la fois innovant et pétri de traditions.
Ici vous ne trouverez aucun monstre, aucune créature hantant ordinairement les pages d’un récit fantastique. Nul vampire, nul fantôme et encore moins de goules, de loup-garou de zombies ou autres créatures tentaculaires. À peine un domovoï, localisation en Russie oblige, est mentionné dans la dernière nouvelle, L’Éternité selon Yacha, mais ce n’est qu’à titre de comparaison. Et pourtant, les nouvelles d’Anna Starobinets dégagent une certaine familiarité pour qui aime Kafka ou Buzatti. Il y a une progression naturelle dans l’histoire qui bascule dans le fantastique presque par surprise pour le lecteur. Les thèmes de ces six nouvelles sont également très familiers. Elles parlent de la famille ou de son absence, de l’identité, de ce que c’est qu’être humain ou tout simplement être vivant. Elles sont toutes douces-amères, et malgré leurs impressions de familiarité toutes surprenantes. De toutes, il n’y a guère que L’Agent que je n’ai pas apprécié. Elle est, à mon goût, à la fois trop froide et trop confuse, comme si cette version n’était qu’un premier jet pas retouché par la suite.
N’ayant jamais été en Russie, je ne sais si l’univers moscovite que décrit Anna Starobinets est typique, mais il y a un désenchantement certain dans ses personnages qui les poussent à prendre avec philosophie l’inacceptable. Comme la mère de famille de Je suis la reine, l’une des nouvelles fantastiques les plus dérangeantes que j’ai lu depuis longtemps. Et pourtant le monstre est une créature bien ordinaire qui ne fait que quelques millimètres à peine.
Je suis la reine
de Anna Starobinets
Traduction de Raphaëlle Pache
Éditions Folio SF