Peu d’écrivains maîtrisent parfaitement l’écriture sous forme de romans comme sous forme de nouvelles. Peu d’écrivains ont une carrière vieille de près de soixante ans, à l’occasion de laquelle ils ont changé complètement de style, de direction sans jamais perdre le cœur de lecteurs fidèles. Robert Silverberg est de ceux-là. Si vous ne le connaissez pas, ou si vous ne connaissez que quelques romans de lui, First-Person Singularities est une excellente porte d’entrée pour découvrir toute la palette de son talent.
Cette anthologie, parue mi-octobre, rassemble dix-huit de ses nouvelles toutes déjà parues ailleurs et pour huit d’entre elles au moins déjà traduites en français. Toutes ces nouvelles, écrites entre 1956 et 1996, ont pour point commun d’être écrites à la première personne. Que ce narrateur soit humain, dauphin ou extraterrestre, homme ou femme, jeune adolescent ou âgé de plusieurs millénaires, vivant ou machine. Certaines d’entre elles sont écrites en hommage au style d’autres auteurs comme Henry James (The Martian Invasion journal of Henry James) ou Roger Zelazny (Call me Titan), d’autres pour répondre à des contraintes imposées par l’éditeur qui les avaient commandé à l’époque (tels The Dibbuk of Mazel Tov IV ou The Iron Star) ou d’autres encore pour aller à contrepied de ce qu’attends sa cible comme avec Push no more, une histoire d’adolescent puceau écrite pour une anthologie érotique.
Lues l’une après l’autre, ces nouvelles montrent la progression stylistique de Robert Silverberg et sa capacité à émouvoir ou à faire rire d’un paragraphe à l’autre. De plus, étant aussi bon conteur qu’écrivain, le simple fait de lire les introductions qu’il a écrites en 2017 sur des nouvelles écrites bien avant est un pur moment de bonheur. Et comme tous les recueils de nouvelles, celui-ci a l’avantage de se lire d’une traite ou de se picorer suivant ses envies.
First-Person Singularities de Robert Silverberg
Éditions Three-Rooms Press