Qui a dit que la hard SF était un genre dépourvu de sentiments ? Certainement pas Audrey Pleynet. Avec son court roman, Rossignol, elle signe un texte exigeant dans sa forme, mais débordant d’émotions et capable de toucher sa lectrice à plusieurs niveaux.
Le cadre de Rossignol n’est pas sans rappeler celui d’un autre titre de la collection Une Heure-Lumière, La Millième Nuit. Comme pour le précédent, l’histoire se passe dans un futur lointain où l’Humanité s’est répandue dans les étoiles et s’est transformée. Elle y a vécu la Rencontre avec plusieurs autres espèces extra-terrestres. De conflits en guerres, les différentes formes de vie se sont hybridées pour tirer des avantages militaires en volant certaines capacités génétiques de leurs ennemis. Las, des déserteurs de différents camps se sont installés à bord d’une station : un habitat spatial adaptant en permanence son environnement aux personnes vivant en son sein et permettant les mélanges biologiques les plus étranges. Des générations plus tard, la paix revenue, la narratrice de Rossignol est née sur la station. Majoritairement humaine – mais avec tout de même 18 % de gènes aliens, elle s’est toujours sentie à son aise dans le melting-pot de la station : écailles, fourrures, plumes, tentacules, membres surnuméraires ou corps quasi impalpables, ses amis et amours ont des formes diverses et des talents dont elle ne dispose pas forcément. Las, l’idéal de la station touche à sa fin et les conflits raciaux vont éclater, forçant la narratrice à choisir un camp, pour elle et son fils.
Audrey Pleynet ne nous expose pas linéairement cette situation. Ce serait trop facile. Par le biais de son personnage, elle nous met au cœur de l’action et nous promène dans le temps : de l’enfance de la protagoniste à ses premières années dans la vie adulte, de mère et de combattante. Le tout en sautant allégrement entre les époques suivant les besoins du plaidoyer-témoignage de la narratrice. Et même si, en raison de son ascendance principalement humaine, celle-ci ne peut pas voir l’invisible, accéder aux pensées ou aux souvenirs d’autrui comme d’autres habitants de la station, elle fait preuve d’une compréhension des sentiments qui nous la rend attachante, et qui donne un tour encore plus tragique à son destin.
De la présentation des différentes formes de vie et de leur capacité aux relations interpersonnelles de sa narratrice en passant par le fonctionnement de l’habitat et la naissance du conflit, avec Rossignol, Audrey Pleynet explore en peu de pages énormément de pistes différentes, sans en négliger aucune. Que vous soyez nostalgique de Babylon 5 ou de Deep Space Nine, que vous recherchiez une intrigue politique sur la fin (?) d’une utopie ou que vous préfériez une exploration des sentiments en milieu spatial, vous y trouverez forcément de quoi vous satisfaire.
Rossignol
D’Audrey Pleynet
Éditions Le Bélial’
NB : Cette chronique s’inscrit dans le défi lecture imaginaire de 2023 concocté par Jean-Yves et Océane. Si le cœur vous dit de participer, allez lire leurs présentations et faites votre propre menu. Arbitrairement, ce livre sera dans la catégorie #M4C6 Il peut correspondre également aux catégories #M4C3, #M2C2, #M4C4, #M6C3, et #M7C4.