Est-ce le souvenir de longues soirées d’enfance passée devant la télé ? Les sagas familiales m’intriguent toujours. Parfois à tort, mais dans le cas de Le rêve du jaguar de Miguel Bonnefoy, à raison. Dans ce roman, l’auteur nous livre l’histoire d’une famille prenant racine au bord du lac Maracaibo au Venezuela. Le père fondateur, Antonio, est découvert par une mendiante quasi-muette alors qu’il avait trois jours, abandonné sur les marches d’une église, une machine à rouler les cigarettes dans ses langes. La mère fondatrice, Ana Maria, aura pour seul héritage, une broche symbolisant l’arrivée d’un pingouin (en fait un manchot, mais la confusion vient de l’auteur ou des habitants de Maracaibo eux-mêmes) venu du pôle Sud mourir en terre tropicale. Les deux vont se rencontrer, s’aimer et révolutionner et la médecine du pays et la destinée de leur ville natale en participant à la révolution. Leurs enfants voyageront au gré des rêves et des révolutions, avant que leur petit-fils né en France ne revienne sur les terres d’origine de la famille pour raconter leur histoire.
S’inspirant de la famille de sa mère (comme l’un de ses précédents romans, Héritage, s’inspirait de la famille de son père), Miguel Bonnefoy livre ici un récit très riche avec de multiples péripéties. Et au travers de ses personnages (et surtout d’Antonio et d’Ana Maria), il nous montre l’évolution d’un pays et d’une ville qui de simple village oublié connaîtra la prospérité d’un seul coup avec les premières gouttes de pétrole. En mélangeant coups de chance à répétition, magie locale, superstitions emmenées par les migrants échoués peu à peu sur les rives, et progrès scientifiques et techniques, l’auteur réussit à captiver la lectrice avec de petits riens, des petites touches du quotidien, des éclats de rire, des frémissements d’angoisse (comme la naissance de Venezuela en plein milieu d’une énième révolution), des touches poétiques et des instants mélancoliques. Le tout en étant toujours à la frontière du réalisme magique cher à Gabriel Garcia Marquez ou Isabel Allende, sans jamais y plonger complètement. Je ne connaissais pas du tout l’auteur avant de lire ce livre, mais j’avoue c’est une belle découverte et je lirais surement Héritage bientôt. Peut-être l’été prochain ?
Le rêve du jaguar
de Miguel Bonnefoy
Éditions Rivages