Dix-huit ans après sa première ébauche dans la revue de l’éditeur, L’Automate de Nuremberg de Thomas Day revient dans la collection UHL. Et j’avoue d’entrée de jeu que, si je ne l’avais reçu en service presse, je n’aurais pas pris ce titre, l’autre du même auteur, Dragon, faisant partie du top 3 des UHL que j’ai détesté (même si je soupçonne que cette réaction viscérale chez certaines lectrices et lecteurs était recherchée par ledit auteur). Et en plus celui-ci se place dans une uchronie napoléonienne (c’est à dire où l’Empire de Napoléon Bonaparte a perduré et s’est étendu) alors que je déteste cette période sur l’Europe continentale…
Si vous êtes comme moi, L’Automate de Nuremberg est… une bonne surprise. Ici, Thomas Day va jouer avec deux curiosités de la période – le mystère Kaspar Hauser (ou Gaspard pour Verlaine) et les automates tels le Turc mécanique – et s’en servir pour une réflexion sur ce qu’est être vivant, ce qu’est l’esprit et/ou l’âme. Sur la ligne principale, il nous raconte l’histoire de Melchior Hauser, automate joueur d’échec à la cour du Tsar, affranchi lorsque ce dernier doit abdiquer face à Napoléon. Il part à la recherche de son créateur, son « père », en compagnie d’un cosaque veuf qui s’interroge sur l’après-vie de sa femme. Sur une ligne parallèle, un certain Balthazar, troisième fils du « père » et lui pur esprit se prend pour un envoyé de Dieu et sème la mort sur son passage. Dans cet univers, le dit Kaspar, aîné de cette étrange fratrie – et le seul que nous ne suivons pas – est une protocréature de Frankenstein quasi-automate de chair.
La partie la plus intéressante est celle de Melchior, car il est rempli de doutes. Il est cruellement conscient de ses limitations (il ne peut se remonter seul, sa vue est mauvaise, sa mémoire et ses capacités sont limitées par les cylindres qu’il charge dans son torse), mais également de sa puissance et de ce qu’il se passerait s’il tombait en de mauvaises mains. Observateur bienveillant de l’espèce humaine, il n’est pas dupe de ses travers et tente de se faire une place dans un monde qu’il appréhende mal. Jusqu’à ce qu’il rencontre son cadet… Le fil de celui-ci, s’il est nécessaire à la conclusion, est à mes yeux plus fade : la mégalomanie sans nuances d’un récit à la première personne agace plus qu’elle ne séduit et les conséquences de son état sont finalement assez peu exploitées.
Attention, L’Automate de Nuremberg n’est pas sans défauts, notamment des tournures maladroites dans les réflexions des personnages pour montrer le racisme, l’antisémitisme et le sexisme ambiant à son époque qui tombent comme un cheveu dans la soupe. Mais ses qualités en rendent la lecture agréable, Melchior se révèle attachant et l’on aimerait qu’il trouve enfin les réponses à ses questions. Et finalement, une fois la lecture entamée, il ne se lâche plus jusqu’à la fin.
L’automate de Nuremberg
de Thomas Day
Éditions Le Bélial’