Folklorn

Quand j’ai choisi ce livre, je pensais lire un livre de science-fiction ou de fantasy contemporaine, surtout venant d’une maison d’édition nommée Erewhon. Raté ! Si parfois l’imaginaire se cache dans la littérature blanche, quitte à être primé, Folklorn d’Angela Mi Young Hur prouve que l’inverse est également possible.
Tout commence pourtant comme dans The Thing et moult récits d’horreurs. Sur une base scientifique en Antarctique, Elsa Park, physicienne américaine d’origine coréenne finit son séjour de six mois passés à y chasser les neutrinos. Souffran
t d’insomnie en raison de l’absence de nuit véritable, elle revoit son amie d’enfance imaginaire qui lui rappelle les contes de sa mère remplis de filles et de sœurs aux destins tragiques. Et si ce n’était pas que de la fiction ? Et si ces contes étaient d’une certaine façon sa propre histoire familiale répétée depuis des générations de mère en fille ?
Entre l’Antarctique, la Suède et la Californie, Angela Mi Young Hur dresse un portrait de femme torturée cherchant sa place dans le monde en perçant peu à peu les secrets de son passé. Fille de deux immigrants coréens traumatisés dans leurs adolescences par la guerre qui a coupé en deux leur pays, Elsa ne s’est jamais sentie à sa place dans cette famille entre un père abusif, une mère manipulatrice et un grand frère trop rêveur. À tel point qu’elle ne fait que la fuir, d’abord en obtenant une bourse pour
une école prestigieuse à l’autre bout du pays, puis pour un doctorat sur deux continents différents. Mais cette amie d’enfance et la mort de sa mère vont la replonger en plein dedans.
J’avoue avoir eu du mal à entrer dans Folklorn pour deux raisons principales. D’une part, parce que je ne m’attendais pas à ce genre de récit où dans un même chapitre l’autrice mêle les époques et où elle entrecoupe la narration de sa protagoniste par des contes folkloriques et des messages qui sont destinés à Elsa. Et d’autre part, parce que, contrairement à la plupart des héroïnes, Elsa n’est pas franchement aimable. Venue d’une famille dysfonctionnelle, elle apparaît froide, arrogante, prompte à se positionner en victime et surtout suprêmement égoïste. À se demander comment Oskar, Jester ou Linnea peuvent supporter aussi facilement ses caprices et ses sautes d’humeur, sans jamais la remettre à sa place…
Pourtant, le style de l’autrice m’a retenu au fil des pages, malgré des pauses fréquentes et en y intercalant d’autres lectures. L’animosité ressentie à la lecture envers Elsa n’est que le reflet de la piètre estime que celle-ci a d’elle-même. Et au fur et à mesure qu’elle dénoue les fils des récits de sa mère, elle fait la paix avec son passé et sa famille, et devient elle-même plus aimable.
Finalement, dans Folklorn, Angela Mi Young Hur donne la parole à ceux qu’on n’entend peu ou presque pas : les « secondes générations » perpétuellement tiraillées entre le pays d’où viennent leurs parents et celui où elles vivent et sont parfois nées comme Elsa.
Angela Mi Young Hur y parle également d’une forme de racisme plus insidieux, car n’étant pas forcément composés d’actes malveillants, et des préjugés liés à l’apparence physique. La narratrice y succombe d’ailleurs en rencontrant Oskar, coréen d’apparence comme elle, mais adopté et ayant grandi toute sa vie en Suède et donc bien plus européen de comportement et d’attente que l’Américaine sans filtre qu’elle est. En résumé, Folklorn est un texte bien plus fort que les premières pages ne le laissaient supposer.

Folklorn
d’
Angela Mi Young Hur
Éditions
Erewhorn

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