L’Anomalie

Si j’avais besoin d’une confirmation pour savoir que les prix littéraires (généraliste comme ici ou plus spécialisé comme le Hugo, le Locus ou autres en imaginaire) ne devraient pas être un critère de choix pour moi, L’Anomalie d’Hervé Le Tellier qui a reçu le Goncourt pour l’année 2020 coche toutes les cases. Et pourtant, elle parle d’une thématique SF qui m’a pas mal occupée en 2020 justement. Un retour aux sources du prix comme le note Xavier Dollo dans sa BD.
Sans dévoiler le nœud de l’intrigue, nous suivons différents passagers et membres d’équipage d’un vol Paris-New York parti en mars 2021 de Paris et, après une zone de turbulence particulièrement forte, ayant atterri en juin 2021. La première partie du roman, presque un bon tiers, est d’ailleurs consacré à la mise en place des personnages : le tueur en série/restaurateur végan et bon père de famille, le vieux bellâtre architecte et sa conquête de trente ans plus jeune que lui, l’avocate aux dents longues qui se sert de sa carrière pour prendre sa revanche sur son enfance, la petite famille banlieusarde américaine, etc. Puis arrive l’incident, la réaction des autorités — et mon seul fou rire du livre avec les règlements de compte de l’auteur avec notre président actuel et un de ses anciens ministres —, des passagers et de leurs proches.
Même si l’explication de L’Anomalie est différente, en lisant ce livre vous aurez peut-être l’impression de lire une version pensée pour Le Quartier latin et St-Germain des prés des Langoliers de Stephen King. En moins palpitant. Hervé Le Tellier écrit très bien, sait jouer des clins d’œil (comme donner le nom de Mitnick à un expert de la NSA)… Mais… Si vous lisez comme moi énormément d’imaginaire, vous ne serez jamais surpris d’une page à l’autre et si en plus vous n’êtes pas sensible au mouvement oulipien, une bonne partie du jeu d’écriture vous passera au-dessus de la tête. Mais… l’auteur donne l’impression de cocher minutieusement une check-list pour être sûr d’avoir le prix. Une mention de véganisme ? Fait. Un tueur implacable ? Fait. Un personnage homosexuel ? Fait et bonus, il est africain. Un bon équilibre entre homme et femmes, une dose classique de diversité (et bourrée de clichés coucou Tina l’ex-geek gothique asiatique qui a su se reconvertir en femme d’affaires avisée et faire un beau mariage) ? Fait. Une mention de pédophile puni ? Fait, et on se demande pourquoi cela arrive comme un cheveu sur la soupe aux deux tiers du roman. Vous aurez la recette pour vous retrouver avec un beau bandeau rouge : prix Goncourt au bas de votre couverture. Les lecteurs qui ne lisent jamais de science-fiction trouveront le retournement et la fin intelligemment amenée et pourront prendre beaucoup de plaisir à cette lecture. Les autres regretteront qu’elle traine beaucoup trop en longueur, liront L’Anomalie sans difficulté et en passant un moment plaisant, mais l’auront vite oublié dans une boîte à livres quelconque une fois achevée… Finalement en matière de Goncourt, je vous conseille plutôt de lire ou relire Texaco de Patrick Chamoiseau ou Les Filles du Calvaire de Pierre Combescot. Ce ne sont pas des livres de SF, mais ils sont passionnants.

L’Anomalie
d’Hervé Le Tellier
Éditions Gallimard

Cet article a 5 commentaires

  1. yogo

    J’ai bien aimé la mise en place et j’ai décroché quand arrive les « autorités » religieuses, scientifiques et politiques. Réactions et discussions improbables, superficielles et hors du temps. J’ai décroché. Quant au reste, chiant comme la pluie.

    C’est un des rares livres ou plus le temps passe, plus je ne garde que les mauvais points. Généralement avec le temps, je suis plus indulgent.

    Quant au mouvement oulipien, je ne connaissais pas et ca me dépasse vraiment.

    1. Stéphanie

      Ah c’est clair, tu n’as pas aimé. 🙂 Je connaissais de loin l’Oulipo et n’étais pas particulièrement fan. Il a un avantage, il se lit vite.

  2. Seb Goku

    Terminé hier, et en effet bilan assez mitigé pour moi aussi.

    J’ai aimé :
    – L’idée de départ
    – Le dilemme posé à pas mal de personnages
    – La mélancolie qui émane du roman, notamment pendant la deuxième partie

    J’ai moins aimé :
    – Le style, qui m’a vraiment donné l’impression que le livre était écrit par un auteur homme de 50-60 ans hétéro parisien blasé
    – Les personnages, auxquels on s’attache peu et, comme tu le dis bien dans ta chronique, dont certains semblent être davantage des prétextes (« vous voyez ? j’ai mis un gay / une noire qui a réussi / un vieux beau / un père pédophile / un auteur dépressif » [rayez la mention inutile])

    La lecture n’est pas désagréable, mais je n’ai pas senti « le coeur » de l’auteur dans ce bouquin, qui est assez loin du coup de coeur espéré.
    Espérons au moins qu’il aidera à légitimer un peu la SF auprès du grand public 😊

    1. Stéphanie Chaptal

      Et devine quoi ? L’auteur est un homme dans cette tranche d’âge parisien a priori dont je connais pas la sexualité. Comme quoi… Espérons oui.

  3. Assolent claude

    Effectivement ce roman est une anomalie littéraire. Le pire c’est qu’il n’y a rien qui justifie des critiques élogieuses. Ce roman a tout du roman de gare , de cette littérature facile , du style de SAS. De Gérard de Villiers. C’est carrément incroyable qu’on puisse apprécier ce roman. Les personnages sont désincarnés, sans relief, sans vie , des clichés vivants. En exemple le tueur a gage . On n’y croit pas une seconde et il est à mourir d’ennui. Le Tellier est un piètre écrivain de science fiction. . Peut être à t il voulu se moquer de ce genre littéraire. Et sa suite de personnage est sans charisme. Des fantômes grotesques qu’on va très vite oublier. Et le pauvre Blake , le tueur , le Tellier crée un paradoxe dans son anomalie avec ce personnage quand le Blake resté à Paris tue son double . Après réflexion , analyse on réalise que le Tellier a fait le mauvais . Le double avait un temps d’avance sur le Blake à Paris. Il est le seul z savoir qu’il est un double.il est le seul qui échappe aux
    contrôles aux usa et s’échappe
    Il rentre a Paris pour tuer son double parisien. Il a toutes les cartes pour le tuer mais le Tellier n’aime sûrement pas les enquêtes policières, les romans policiers. Le Tellier fait tuer le double de Blake par celui qui est à Paris . Absurde et même impossible pour un tel tueur implacable. On se dit la et c’est loin d’être la seule absurdité de ce scénario bien médiocre. Mais j’ai découvert dans cd rôle de gare deux pages particulièrement bien écrites digne du Goncourt et elle sd trouve pile au milieu du livre. Deux pages . C’est vraiment très peu pour un tel prix. En fin de compte en fin de lecture il n réalisé que l’histoire commence tout juste , que c’est juste une ébauche et que le Tellier est mortellement ennuyeux. Pour ceux qui aime la SF passez votre chemin , rien a voir.

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