Certains livres errent dans ma pile à lire depuis longtemps puis ressurgissent tout d’un coup. C’est le cas de ce recueil, Collection d’automne de Jonathan Carroll. Acheté un été dans un lot de Pocket Terreur d’occasion, il avait été mis de côté quand il s’est avéré qu’il n’était pas si horrifique et ne correspondait donc pas à mes envies du moment. À tort ! J’ai découvert bien des mois plus tard (ou peut-être des années ?) avec ce petit livre, une plume fine, drôle, mélancolique, dure parcourant toutes les variations possibles entre la parabole philosophique et la fable absurde. Sur les dix-sept nouvelles qui le composent, seule La Main-panique m’a laissé une impression désagréable, en raison de l’âge et de l’action des protagonistes. J’ai au contraire pris beaucoup de plaisir à lire toutes les autres, souvent très courtes, ne dépassant que rarement la dizaine de pages. Seul le premier texte, Le Ménage en grand, est plus étoffé et pourrait surement être qualifié de novella. Dans celui-ci, un universitaire sur le retour voit son quotidien et ses certitudes bouleversées par l’arrivée d’une nouvelle femme de ménage : Dieu elle-même. Douce-amère, cette histoire parle de la culpabilité, et de la différence de perception entre l’image que l’on a de soi et la façon dont les autres nous voient.
La Tristesse du détail va, elle aussi, interroger les relations entre Dieu et les hommes, mais choisir pour se faire une femme au foyer dessinatrice en dilettante. Dans les deux cas, il s’agit pour l’humain d’aider la divinité à remplir son rôle correctement.
À leur manière Collection d’automne, Signe de vie, Florian, Une roue dans le désert, des balançoires au clair de lune ou Coup de foudre parlent tous du deuil, du temps qui passe et de la façon dont on peut faire la paix avec sa vie et sa douleur. Chaque récit a sa propre palette d’émotions, mais ils sont tous aussi touchants.
D’autres comme L’Ange las, L’amour des morts ou La Vie de mon crime sont nettement moins empathiques. Il s’agit de petits contes cruels où les malfaisants sont punis par où ils et elles ont pêché, bien que le lecteur ne découvre qu’à la chute, la morale de l’histoire.
La Gueule de l’ours, L’Examen de passage ou Apprendre à s’en aller sont de petits contes absurdes délicieusement troussés tandis que Salle Jane Fonda, texte le plus ouvertement comique du recueil, est une mise en garde sur les souhaits qui se réalisent. Finalement, seuls Mon Zoondel et Copains comme Chien relèvent de la science-fiction pure telle que pourrait l’écrire Frédric Brown dans ses nouvelles.
En refermant la dernière page de ce recueil, j’ai été touchée, émue, parfois agacée, mais bien plus souvent séduite par le style de Jonathan Carroll. Je ne connaissais pas du tout l’écrivain, mais ces récits courts oscillant entre réalisme magique et fable absurde telle que pratiqués par Italo Calvino ou Dino Buzzati. Je n’aurais donc aucune réticence à découvrir d’autres œuvres de lui, y compris sous forme de roman.
Collection d’automne
de Jonathan Carroll
traduction de Hélène Collon
Éditions Pocket
Steph, c’est pour moi à notre prochain chassé-croisé 😊
C’est noté ! Je te le met de côté.