Aucune étoile aussi lointaine
Les bibliothèques sont-elles capables de générations spontanées ? En retombant sur Aucune étoile aussi lointaine de Serge Lehman dans mes étagères, je me pose sérieusement la question. En effet, j’ai dû déjà avoir lu ce livre, j’ai souvenir de l’avoir déposé et sorti d’un carton au moins deux fois au cours de déménagements, mais… jusqu’à la relecture qui fait l’objet de cette chronique, je n’en gardais aucun souvenir. Il a fallu que je lise un autre livre parlant d’une autre œuvre de l’auteur pour que le nom me tape dans l’œil alors que je cherchais un space opera…
Et Aucune étoile aussi lointaine en est bien un formellement. Dans le fond, c’est le récit de la fin d’une ère… et des souvenirs qu’elle laisse. Tout commence sur une planète à l’autre bout de la galaxie où un jeune prince rêve de devenir un naute comme ses aïeuls et de parcourir les étoiles. Hélas, un système de portails instantanés – les toboggans de la Voie – met vite fin à ses rêves. L’heure des découvertes interstellaires n’est plus. Jusqu’au jour où… un vaisseau naufragé se réveille et l’embarque dans une chasse à travers les étoiles, sans jamais dépasser la vitesse de la lumière. Le vaisseau dit avoir besoin d’un pilote. Mais ne serait-ce pas plutôt ’un témoin et d’un conteur qu’il cherche ?
Et effectivement si la vie du prince et ses déambulations forment la trame principale du roman, celle-ci est entrecoupée par les différentes histoires que les gens lui racontent, toutes un mélange de vérités et de mensonges, et dont l’ensemble tisse le récit final. Le tout pourrait être particulièrement captivant, sauf que… le personnage principal, le fameux prince, est assez effacé. Tout au long du récit et de ses huit mille ans de vie (cent vingt et quelques en mode subjectif), il n’a que peu d’obsessions : parcourir les étoiles – sans savoir pourquoi, se chamailler avec son vaisseau et les seins. Il est d’une passivité incroyable, ce qui fait que les sapiens qu’il croise lui racontent leurs histoires sans retenue, mais ce qui fait aussi que la lectrice a plus d’une fois envie de le prendre par le col et de le secouer pour qu’il se bouge enfin. En vain.
Pour autant, ai-je détesté ma lecture ? Non, au contraire, puisque je vous en parle ici. L’univers décrit par Serge Lehman est intéressant, avec des sapiens et des mondes variés. L’idée qui soutient l’univers – une racine et une histoire commune à l’ensemble des peuples – est également bien amenée et fait rêver. Mais le livre souffre des défauts de la SF francophone des années 90 (cf. la troisième obsession du prince), et de quelques longueurs. À découvrir en connaissance de cause, si vous voulez rêver aux étoiles, qu’elles soient lointaines ou non.