Fini en deux tomes, Le Siège des exilées est un OVNI dans les propositions manga actuelles. En effet, il s’agit d’une histoire de science-fiction, écrite et dessinée par une mangaka, Akane Torikai, qui n’est pas connue spécialement pour ce genre. Le tout sans extra-terrestre ni monstre organique ou mécanique dans l’un ou l’autre des camps en présence. Le Siège des exilées nous garde fermement sur Terre. Plus exactement nous sommes dans un pays indéterminé. Il y a de chaque côté d’un bras d’eau, la Ville et le bidonville où s’exilent toutes qui ne trouvent pas leurs places en ville. Dans ce monde, la société est devenue majoritairement matriarcale et surtout pas démocratique. Les hommes, qui y meurent jeunes, sont soit castrés chimiquement, soit utilisés comme étalon pour la reproduction avec les rares femmes encore « porteuses du Sceau », c’est-à-dire encore capables de donner la vie naturellement.
Dans ce monde étrange, nous suivons Sanada et Reihô qui se sont réfugiés dans le bidonville et y vivent d’expédient pour échapper à leurs destins : elle de mère génitrice et nourricière, et lui de reproducteur prisonnier. Nous y suivons également Mirai, jeune lycéenne de la ville qui va peu à peu remettre en question ce qu’on lui a appris.
L’histoire du Siège des exilées n’était pas faite pour s’éterniser, mais à mon avis un tome de plus n’aurait pas été de refus. Akane Torikai lance énormément d’idées dans le premier tome, en développent certaines dans le deuxième tout en y ajoutant des nouvelles. Et du coup, elle laisse des pistes inexplorées qui frustrent son lectorat, comme la raison poussant à octroyer une vie si brève aux garçons alors que la reproduction (tant par voie naturelle qu’artificielle) est de plus en plus hasardeuse et qu’à terme l’espèce dans son ensemble décline. Ou l’histoire de Mirai et de son amie, ou l’origine des jumelles…
Akane Torikai signe avec ce diptyque un manga militant, miroir modernisé de Les Fils de l’homme de P.D. James. Son style de dessin très doux ne l’empêche pas d’être très crue dans son approche et de ne pas dénaturer son propos par des allusions ou des métaphores. Soyez prévenus et ne mettez pas ce manga entre des mains trop jeunes. En revanche, avec sa dystopie poussée à l’extrême, il offre matière à réflexion à un lectorat très large.
Le Siège des exilées
d’Akane Torikai
Traduction de Gaëlle Ruel
Éditions Akata