Friday Black

Parfois vous passez à côté d’un livre à sa sortie, car il se retrouve noyé dans la masse des nouvelles productions puis vous retombez sur lui plus d’un an après et… c’est le bon moment, vous êtes prête pour la découverte. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour Friday Black, premier livre de Nana Kwame Adjei-Brenyah. Peut-être, car c’était un recueil de nouvelles ou parce que la couverture extrêmement sobre ne m’appelait pas. Et je n’aurais qu’un conseil : passez outre, et prenez ce livre. Lisez-le, petit à petit, nouvelle après nouvelle. Prenez le temps de les digérer, de les comprendre et de les ressentir, sans cesser de vous demander dans quelles mesures ces histoires écrites par un jeune auteur américain d’origine ghanéenne en plein mouvement « Black Lives Matter » peuvent également parler à une lectrice ou un lecteur européen, quelle que soit son origine ou la couleur de sa peau.
Pour faire simple, Friday Black est une série de 12 claques destinées à réveiller
les consciences, mais aussi pour certaines d’entre elles à apporter une nuance d’espoir ou de poésie. Certaines comme Les 5 de Finkelstein ou Zimmer Land font référence au racisme ambiant de l’Amérique en imaginant deux dystopies différentes, mais aussi cruelles l’une que l’autre, Après l’éclair va elle parler de l’ultraviolence, Cracheuse de Lumière des tueries et du phénomène incel, L’Ère va parler d’un monde où l’honnêteté et l’efficacité poussées à l’extrême sont devenues une autre forme de violence, et la trilogie du centre commercial (Friday Black, Comment vendre un blouson selon les recommandations du Roi de l’hiver, et Dans la vente) dénonce les dérives du consumérisme avec à chaque fois une facette différente montrée de façon plus ou moins gore et plus ou moins violente.
Mais
Nana Kwame Adjei-Brenyah n’écrit pas que des choses sombres et dures, certaines de ses nouvelles sont empreintes de douceur, d’espoir et de poésie, surtout quand elles parlent des relations entre parents et enfants, comme L’hôpital où, Le lion et l’araignée, Ces choses que disaient ma mère ou paradoxalement Lark Street (qui parle des conséquences d’un avortement vécues par le géniteur). Même Cracheuse de Lumière et L’Ère ont une lueur d’espoir au milieu de leur dureté. Et l’auteur reste toujours en nuance et saute d’une facette de l’imaginaire à l’autre d’une nouvelle à l’autre : la dystopie ultraviolente, l’horreur pure, le fantastique, le conte, le réalisme magique, le post-apocalyptique, etc. Cette facilité avec laquelle il change de sujets, de longueurs et de styles en un aussi court recueil est très séduisante. En tout cas, je ne ferai pas deux fois la même erreur : la prochaine fois que je verrai son nom sur une couverture, je m’y intéresserais plus vite.

Friday Black
de 
Nana Kwame Adjei-Brenyah
Traduction de Stéphane Roques
Éditions
Albin Michel

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