Autonomous

Peut-on écrire une romance cyberpunk sans tomber dans les mauvais clichés de l’un ou l’autre genre ? Avec Autonomous, Annalee Newitz prouve doublement que oui. À l’occasion d’une lecture croisée avec Navigatrice de l’imaginaire autour du thème « autrice de la SFFF », nous avons choisi ce livre (qui pour la petite histoire m’avait été chaudement recommandé par Sabrina Calvo — mille mercis madame !) nous attendant d’après le résumé à un polar classique. Que nenni ! La partie policière, même si elle sert de fil conducteur au récit n’est qu’une simple armature. Toute la richesse et la saveur de ce livre tiennent dans deux éléments : ses personnages particulièrement bien étoffés et la façon dont sous couvert de bioingéniérie poussée, il nous parle de problèmes très actuels.
L’intrigue donc ? Judith Chen, dite Jack, est une ancienne scientifique et hacktiviste. Elle vit désormais à bord de son sous-marin, réalisant des contrefaçons
de médicaments brevetés et les revendant ou les redistribuant. Paladin est un robot militaire tout juste sorti de l’usine. Avec son superviseur humain, Elias, ils vont se mettre en chasse de Jack après une série d’incidents mortels liés à une nouvelle drogue de productivité. Et le récit alternera entre la Jack du présent traquée, ses réminiscences du passé, et les points de vue de Paladin et Elias qui vont apprendre à mieux se connaître au cours de leur mission.
Dans Autonomous, disponible en français chez Folio SF sous le nom d’Autonome, la frontière entre les espèces, les genres (les robots ne se genrent pas, iels adoptent les genres que leur attribuent les humains plus par facilité de communication qu’autre chose) et les statuts est toujours floue. Dans le XXIIe siècle où se déroule l’histoire, l’intelligence artificielle a abouti à un
e certaine forme de conscience. Certains robots, qu’iels soient humanoïdes ou non, ont atteint l’autonomie après des années d’esclavage pour rembourser leurs coûts de fabrication. Certains d’entre eux, comme Med, ont même une apparence indiscernable de celles des humaines. En contrepartie, et parce que le capitalisme s’est développé à outrance, l’esclavagisme est également de retour parmi les humains. Et ceux-ci ne valent pas plus qu’un tas de ferraille, voire moins.
Côté apparence, certains humains ont des extensions cybernétiques et certains robots, comme Paladin, ont des éléments organiques d’origine humaine. Devant ces limites floues entre les deux espèces sentientes, les sentiments entrent également en jeu, aboutissant à différentes formes d’amours… C’est en particulier dans cet aspect que s’exprime la romance d’Annalee Newitz, explicite sans être voyeuse ni tomber dans la mièvrerie.
Un autre aspect essentiel d’Autonomous tient à la réflexion que le roman propose autour de la notion de propriété. Qu’il s’agisse de propriété intellectuelle comme les brevets que pirate Jack, et qui rappellent fortement les déchirements actuels autour de l’open source. Sur ce point, Annalee Newitz ayant travaillé à l’Electronic Frontier Foundation, elle y apporte un bagage orienté, mais très solide et riche. Qu’il s’agisse également de propriété des biens et des personnes avec tous les problèmes liés à l’esclavage réinstitué et à l’autonomie des robots. Sans temps mort, Autonomous peut se lire comme un simple thriller cyberpunk de plus. Mais il offre surtout de belles pistes de réflexion sur notre monde
actuel et sur les relations inhumaines qu’il impose à ses habitants. À noter que la nouvelle Old Media, disponible gratuitement ici en anglais, reprend la vie des personnages de deux des personnages secondaires, un an après les événements du roman, et complète avec bonheur le tableau.

Autonomous
d’Annalee Newitz
Éditions
Tor

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