Souvent présentée comme l’égérie du solarpunk et surtout spécialiste d’une science-fiction intimiste, Becky Chambers a un véritable fan-club dans le lectorat français. Et dire qu’un recueil de nouvelles inédites dans notre langue était attendu n’est pas peu dire. Personnellement, ayant lu tout le reste, j’ai profité des Utopiales pour me le procurer. Et j’ai dévoré Une très bonne hérétique, le temps du trajet en train me ramenant dans mes pénates.
Il faut dire que l’ouvrage n’est pas très volumineux. À peine plus de 100 pages bien aérées pour 12,50 € en version papier. Mais que propose-t-il à l’intérieur ? Cinq nouvelles parues dans leur langue originale entre 2014 et 2022, donc avec un ton assez varié de l’une à l’autre. Celle qui donne son titre au recueil, Une très bonne hérétique, est la dernière et la plus longue. Elle se rattache à l’univers des Voyageurs, et j’avoue qu’il m’a fallu quelques pages pour me souvenir des particularités des Sianat et ne pas être troublée par la syntaxe propre à cette espèce. C’est une histoire qui se déroule quelques années avant L’espace d’un an, et qui met en scène un personnage secondaire du roman. Elle reste émouvante et montre le problème d’une personne ne pouvant rentrer dans la norme de son espèce et qui ne veut pour autant pas décevoir sa famille et l’amour que celle-ci lui porte. Comment être soi-même quand être soi revient à renier sa vocation et les valeurs de son espèce ? Deux autres nouvelles, Dernier contact et Chrysalide, rappellent la mélancolie de Apprendre, si par bonheur. Avec pour la première, l’abandon de la mission d’une vie à la rencontre d’une autre forme de vie pour des raisons bassement budgétaires, et pour la deuxième, le lâcher-prise d’une mère qui voit sa fille s’éloigner dans l’espace et prendre une forme sans lien avec son monde et sa famille d’origine. Et parmi les contraintes budgétaires, techniques et biologiques, Becky Chambers y insuffle des sentiments et énormément d’humanité envers ce qui nous apparaît fortement comme autre. La Troufionne, l’Epée nova et les Textes Tri-chantés est une parodie SF du récit classique en fantasy de l’Élue contre les forces du mal, et j’avoue la forme de la nouvelle et surtout sa chute m’ont bien fait sourire. Et dans la dernière nouvelle, Le Vaisseau Cercueil, l’autrice esquisse en quelques pages un univers et une histoire millénaire avant de tout remettre à zéro par des besoins terre-à-terre et une bonne tasse de thé.
Le tout forme une lecture légère, douce et enveloppante comme un plaid par un après-midi d’hiver. Mais je réserverais néanmoins ce recueil à celles, celleux et ceux qui connaissent déjà la plume de Becky Chambers, invitant les autres à la découvrir par ses novellas ou ses romans.
Une très bonne hérétique
De Becky Chambers
traduction de Marie Surgers
Éditions L’Atalante
