Bat Eater

Et si le monstre le plus terrible qu’on puisse imaginer n’était ni un zombie, ni un loup-garou, ni un mutant aux terribles pouvoirs et encore moins un revenant. Et si le monstre le plus terrible n’était qu’un être humain poussant à l’extrême ses préjugés, ses peurs et sa haine des autres ou de soi-même. C’est finalement tout le propos de Bat Eater, le premier livre d’horreur destiné aux adultes de Kylie Lee Baker, jusqu’ici spécialisée dans la dark fantasy young adult (même si le gore et la violence y sont présents en raison des pouvoirs de ses héroïnes). Avec Bat Eater, nous marchons dans les pas de Cora Zheng à New York en pleine pandémie de Covid-19 à l’époque du confinement, des morgues réfrigérées dans les parcs et rues et quand personne ne savait encore rien de cette maladie et les rumeurs se propageaient à tour de bras. Au début du confinement, sa grande sœur, Delilah, est jetée devant un métro entrant en gare. Le meurtrier masqué ne prononce que deux mots « bat eater » (soit mangeuse de chauve-souris), une injure visant la communauté asiatique que certains jugent responsable de la propagation du « China virus ». Quelques semaines plus tard, Cora toujours traumatisée, avec une histoire psychologique et familiale compliquée et instable, et bourrée de troubles du comportement, a retrouvé un travail comme nettoyeuse de scène de crimes. Sauf que… depuis quelque temps, toutes les scènes ont pour victime des femmes asiatiques avec des chauves-souris coincées sur les lieux du crime. Et pour couronner le tout, elle se retrouve hantée par ses souvenirs. À moins que ce ne soit par un fantôme affamé…
En 301 pages et avec une
protagoniste présentée d’emblée comme non fiable, Kylie Lee Baker réussit le tour de force d’à la fois nous immerger dans la psyché de son personnage, ballotée entre la culture d’un père qui l’a abandonné pour retourner en Chine fonder une autre famille et celle d’une famille maternelle anglo-saxonne marquée par une religiosité extrême, et à nous faire frémir. Elle mélange dans son roman plusieurs lignes horrifiques : les fantômes affamés des légendes chinoises qui hantent Cora et attendent quelque chose de sa part, la traque du tueur aux chauves-souris, mais également la balade de Cora au bord de la folie doutant en permanence de ses réactions et de la réalité ce qu’elle perçoit. Sans compter l’horreur quotidienne d’être une femme asiatique dans une grande ville où la communauté asiatique dans son ensemble est perçue, à tort, comme venant de Chine et responsable de l’état sanitaire du pays. L’une des scènes les plus dures à lire n’est pas une description d’une scène de crime ou l’arrivée d’une multitude de spectres aux tendances nettement anthropophages, mais bien celle où un homme blanc dont Cora a repoussé les avances lui crache au visage et où sa salive s’infiltre sous le masque de cette dernière. À travers les collègues de Cora, mais également sa fantasquement pragmatique tante Zheng, elle dresse le portrait d’une communauté sino-américaine plus diverse qu’il n’y parait et avec des peurs et des ressources insoupçonnées du reste de New York.
Après The Buffalo Hunter Hunter lu récemment, Bat Eater est le deuxième livre d’
horreur qui me scotche littéralement et me pousse une fois le livre fini, à me poser en me demandant ce que je viens de lire, tellement il éveille différentes émotions au fur et à mesure de sa lecture. Cora Zheng, pourtant si éloignée de moi dans ses manières et sa vie, restera longtemps dans mon esprit. C’est donc une réussite.

Bat Eater
de 
Kylie Lee Baker
Éditions
Hodder & Stoughton

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