Il est des conseils de lecture improbables qui conduisent parfois à des pépites. Lorsqu’il y a moult années, entrant dans une librairie je demande au vendeur un livre avec un « vrai vampire, pas un machin à paillettes » et surtout sans romance, pourquoi celui-ci a choisi Vision aveugle de Peter Watts (en version poche) alors qu’il s’agit de pure SF, et non de fantastique ou autres genres plus couramment fréquentés par les bipèdes hématophages ? Nul autre que lui ne le saura, mais qu’il en soit une fois de plus remercié à l’occasion de la réédition de ce chef-d’oeuvre exigeant, mais ô combien plaisant à relire !
Si vous ne connaissez pas Peter Watts, allez donc relire ce que j’ai déjà dit sur son recueil de nouvelles ou son court roman récemment parus. Si vous cherchez une lecture « feel good » et d’accès facile, passez votre chemin : Vision aveugle n’est pas pour vous. Ce huis-clos spatial et cette histoire de « premier contact » abordent une multitude de thèmes riches et jouent avec des concepts passionnants mais ses personnages terriens sont tous des éclopés de la vie. Que ce soit le narrateur, Siri Keeton qu’une opération cérébrale a rendu inapte à l’empathie (comme la Mila Vasquez de Donato Carrisi), le chef de l’expédition – le vampire demandé – survivance d’un passé rappelé pour ses capacités intellectuelle, la linguiste aux personnalités multiples, la militaire de carrière et le biologiste passant plus de temps conscients dans leurs machines que dans leurs propres enveloppes corporelles), tous sont inadaptés à la vie en commun et pourtant ils vont être confrontés à l’inconnu : une race extra-terrestre au fin fond du système solaire. Sont-ils vivants ? Intelligents ? Conscients ? Menacent-ils l’espèce humaine et la survie sur Terre ? Ils devront répondre à ces questions et se faisant s’interroger sur leurs propres humanités et sur l’(in)intérêt de la conscience dans l’évolution et la survie de l’espèce.
Pour autant Vision aveugle n’est pas un conte philosophique ni une longue introspection. S’il manipule de nombreux concepts (aussi bien en terme d’exploration spatiale, de biologie que de neuroscience ou de religion, mais également l’intelligence artificielle et les différentes variations du transhumanisme), et s’il faut donc présenter les différents concepts pour le lecteur, c’est surtout un roman bourré d’action. De par sa fonction de « chambre chinoise » au sein de l’équipage, Siri Keeton est le mieux placé pour présenter les différents concepts et les expliquer. Mais même ses différentes remémorations sur sa vie avant l’expédition ne coupent pas le fil de la lecture. Et certaines de ses remarques ou des lignes de dialogues sont cyniquement drôles ce qui apporte en plus un peu de légèreté dans un texte dense. Notons que cette nouvelle édition est richement illustrée et propose également une nouvelle, Les Dieux insectes, pendant terrien à certaines des interrogations de l’équipage (même si Echopraxie est le roman racontant les événements qui se sont passés sur Terre durant le voyage du vaisseau et sa rencontre avec l’inconnu). Elle dispose également d’une préface et d’une postface de l’auteur pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur les concepts présentés dans le roman. Et est donc moins aride que ma vieille édition parue à l’époque chez Pocket. Vision aveugle
de Peter Watts
traduction de Gilles Goullet
Éditions Le Bélial’
Il faudra que j’essaye de nouveau… ma première lecture avait tourné court (mais c’était il y a un long moment !)
Oui. Essaie. D’autant que la traduction a été revue. Y a de l’action !
Je ne connaissait pas ce classique, je m’y attaque ce soir 🙂
Bonne lecture !