Le Soulèvement des pigeons

Pour toute personne vivant en milieu urbain, le titre de cette nouvelle, Le Soulèvement des pigeons, pourrait laisser présager une histoire d’horreur aviaire. Et si le récit de Jesse Miller décrit en effet un futur possible horrifique, il n’a que peu de rapport avec les « rats volants » qui hante nos cieux et trottoirs des grandes métropoles. Les pigeons du titre appartiennent juste à l’un des personnages. Celui-ci, Curtiss, vit en plein milieu de Harlem dans un immeuble sordide dont il ne sort que pour aller sur le toit ou pour descendre chercher son unique repas de la journée. La ville est en effet entièrement automatisée et des ordinateurs et automates pourvoient à ses besoins ainsi qu’aux autres habitants du quartier. Tant que ceux-ci, tous noirs, se tiennent sages, ils sont nourris, logés, soignés et occupés sans problème. À la moindre rébellion, les fautifs sont extraits et envoyés sans sommation, on ne sait où. Qui dirige les automates ? Où partent les personnes extraites ? Et pourquoi se contenter de survivre au quotidien ? Curtiss et les autres habitants de l’immeuble ont des points de vue différents sur la conduite à suivre, jusqu’à ce que…
Et je ne vous en dirais pas plus, car la nouvelle est très courte, et le retournement final assez surprenant et fin pour donner matière à réflexion. Sachez juste que Jesse Miller, dont on ne sait même s’il est mort ou vivant, a fait un passage éclair, mais remarqué dans la science-fiction des États-Unis des années 1970 avec quatre nouvelles publiées. De lui, on ne sait guère plus que sa présentation en incipit d’une de ces nouvelles, en 1975 : « Je suis Noir, j’ai vingt-neuf ans, j’ai une femme bonne et douce qui s’appelle Jean et je suis en train de perdre lentement la vue. » Et donc qu’en 197
2, il a inventé une version terrifiante des « smart cities » que les multinationales de l’informatique et certains édiles promeuvent à tour de bras au XXIe siècle, avec une ségrégation stricte (existant alors officiellement en Afrique du Sud et officieusement dans bien d’autres endroits y compris aux USA et encore de nos jours, mais sans la partie « smart »). Cette nouvelle est traduite pour la première fois plus de cinquante ans après sa parution, mais reste cruellement d’actualité. À lire, sans modération !

Le Soulèvement des pigeons
d
e Jesse Miller
traduction de Dominique Bellec

Éditions
Le Passager clandestin

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