Le Livre de M

Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Albin Michel Imaginaire fait dans le varié. Après un excellent Terminus et un Magicien quantique classique malgré quelques défauts, l’éditeur nous propose avec Le Livre de M de Peng Shepherd un roman inclassable. Imaginez plutôt : le livre commence comme un récit post-apocalyptique assez traditionnel, devient un road-movie sentimental et se termine en une apothéose fantastique et mélancolique. De quoi dérouter non ?
Le Livre de M a pour base un concept plutôt simple : les ombres
dotées de grands pouvoirs magiques sont les dépositaires des souvenirs de l’individu auquel elles sont liées. Là où Roger Zelazny en tire un court roman psychédélique, Peng Shepherd va signer, elle, un gros pavé plus profond où les sentiments ont autant de place que l’action.
Un jour en Inde, un homme perdit son ombre et séduisit le monde entier par ses facéties. Sauf que… après la
perte de son double, l’homme se mit à perdre ses souvenirs puis son identité et parfois à remodeler la réalité en fonction de ses absences. Peu à peu, d’autres un peu partout dans le monde perdent leurs ombres et les sociétés s’effondrent une à une. S’ouvrant aux États-Unis, deux ans après l’apparition du premier cas, Le Livre de M suit quatre personnages différents : Ory et Max, Naz et le mystérieux Celui qui rassemble. Mariés, Ory et Max voient leurs chemins se séparer quand Max perd son ombre et décider de quitter Ory avant d’oublier leur amour. Ory se mettra alors en marche à sa recherche. Naz est une jeune Iranienne championne de tir à l’arc venue à Boston préparer les JO et coincée depuis dans le pays. Enfin, Celui qui rassemble, amnésique suite à un accident, détient peut-être la clé pour guérir les sans-ombres.
D’un chapitre à l’autre, leurs voix s’entremêlent et leurs chemins finissent par se croiser pour donner une vue d’ensemble au lecteur. Le ton introspectif du récit contraste avec les événements plutôt durs et assez mouvementés qu’il décrit. Ceux-ci gagneront en intensité dans le dernier tiers du roman. Une fois que l’on aura pris le temps de connaître les différents personnages, la force de leurs sentiments (amour, amitiés, haine, liens sororaux ou parentaux) et de mesurer la perte que peut représenter leur disparition au fil des oublis. Ou la libération.
En venant tout juste de finir Le Livre de M, il est difficile de dire si je l’ai aimé ou non. Mon côté « fleur bleue » se serait bien passé du tout dernier rebondissement. Mais aimant beaucoup Italo Calvino ou Dino Buzzati et leurs récits partant d’un postulat absurde pour asséner des vérités profondes, j’ai apprécié le propos de Peng Shepherd, ma
lgré une entrée en matière plutôt longuette à mon goût. En tout cas, pour un premier roman, Le Livre de M est une réussite qui plonge droit dans l’âme du lecteur.

Le Livre de M
de
Peng Shepherd
Traduction de Anne-Sylvie Homassel

Éditions
Albin Michel Imaginaire

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