Quand une nouvelle collection d’horreur voit le jour en France, cela attise ma curiosité. Quand, en plus celle-ci, nommée Styx, se retrouve au catalogue d’une maison d’édition conséquente comme Fleuve, cela redonne de l’espoir sur la publication d’horreur en France, d’autant qu’au programme il y aura la traduction française de Nestlings annoncée pour septembre 2026. Parmi les deux premiers titres sortis en octobre 2025, attaquons-nous à La Mer se rêve en ciel de John Hornor Jacobs. Ce récit est vendu comme une horreur cosmique digne de Lovecraft, mais disons-le de suite : il n’y a pas la moindre tentacule à l’horizon. Personnellement ce récit m’a évoqué un croisement en le réalisme magique dont sont friands les écrivains sud-américains et… Hellraiser et Les Évangiles écarlates de Clive Barker. Peut-être aussi, car l’action se passe à la fin des années 1980 et qu’elle a un côté étrange et grand-guignol proche de l’Échelle de Jacob. Dans ce livre nous suivons Isabella, professeure à l’université de Malaga et exilée du Magera, un pays fictionnel frontalier de l’Argentine, par l’arrivée au pouvoir de Vidal et de ses sbires. Un jour dans un parc, elle croise Rafael Avendaño, dit l’Œil, poète magérien maudit et longtemps cru mort. Les deux vont se lier d’amitiés jusqu’à ce que l’Œil lui annonce qu’il rentre au pays, et lui confie son appartement et le chat – protecteur – qui parfois y vit, ainsi que son dernier manuscrit. En lisant ce manuscrit et surtout en découvrant des photos et des traductions dedans, Isabel découvre de derrière l’horreur bien humaine de la dictature dans son pays se cache des influences extérieures (la CIA et les États-Unis, comme souvent dans le coin) et même extradimensionnelles. Les photos particulièrement dépravées et violentes et les traductions indiquent des rituels pour entrer en contact avec cette faction de l’autre côté du voile du monde et soi l’accueillir, soit repousser son avancée comme l’avait fait avant Isabella, Rafael Avendaño. Aura-t-elle le courage d’en faire autant. La Mer se rêve en ciel est un roman court (210 pages papier d’après l’éditeur), mais dense. Hormis deux grandes scènes intenses (attention les yeux !), l’horreur est plus diffuse, mais elle imprègne presque toutes les pages du livre, et ce, dès la façon étrange dont l’Œil s’impose dans la vie d’Isabella. Et surtout l’écriture de l’auteur est suffisamment rythmée pour que, malgré les changements de points de vue et de temporalité, la lectrice ne soit jamais perdue et reste au contraire happée jusqu’au bout. De bon augure pour cette nouvelle collection.
La Mer se rêve en ciel
De John Honor Jacobs
Traduction de Maxime Le Daim
Éditions Fleuve