De peur que les ténèbres…

Le problème d’avoir une bibliothèque bien fournie est que parfois, certains livres y figurent sans que vous sachiez pourquoi, ni même que vous vous en rappeliez l’histoire. Tel ce De peur que les ténèbres… de Lyon Sprague de Camp, récupéré visiblement chez un bouquiniste lors de précédentes vacances. Écrit en 1939, ce texte commence mal : un archéologue américain se prend un orage sur la tête en pleine Italie fasciste. Mais un éclair le foudroyant près du Panthéon, il se réveille au même endroit 1400 ans avant sa naissance. Comment survivre à ce voyage dans le temps ? Alors que l’âge des ténèbres, c’est-à-dire le Moyen-âge tel qu’on le considérait au début du XXe siècle, arrive à grands pas, le pauvre archéologue va devoir : trouver une tenue plus adaptée que son costume trois pièces et son borsalino, comprendre ce que lui disent les gens parlant soit une version très déformée du latin classique soit du gothique et gagner sa vie sans la perdre face aux différents extrémistes religieux, aux femmes revanchardes de l’époque et aux méandres des affaires familiales des rois goths.
Certes, le propos est daté et notre archéologue déplacé temporel aussi dans ses conceptions des relations homme-femme (mais ce n’est pas franchement le pire de l’époque), mais si vous aimez les histoires d’uchronie, celle-ci est à lire. Ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’une des plus anciennes du genre se réclamant de la science-fiction (même si l’explication du voyage en elle-même est rapide… comme l’éclair). Et parce qu’elle offre une multitude de détails croustillants. Parmi les inventions qu’exporte notre voyageur, certaines réussiront à s’implanter (la comptabilité en partie double, la distillation du brandy, le télégraphe, l’imprimerie et le journalisme), d’autres sont vouées à l’échec (l’horlogerie, la poudre à canon). Tout simplement parce que les technologies de l’époque, mélangées aux connaissances
de l’intéressé (certes scientifique de formation, et plutôt cultivé, mais ne disposant pas d’une connaissance encyclopédique dans tous les domaines) ne sont pas suffisantes pour y arriver. Et c’est rafraîchissant de voir que tout ne tombe pas tout cuit parce que cela arrange le récit ou le héros.
Et Lyon Sprague de Camp ne prend pas son personnage au sérieux :
celui-ci a piètre allure au milieu des guerriers goths ou des patriciens romains, il multiplie les gaffes et les faux-pas diplomatiques. Et si j’avoue, la dernière partie du roman plus portée sur les intrigues militaires m’a moins intéressée, la première partie et les interactions personnelles de notre « héros » m’ont franchement fait rire. Et m’ont fait pensé à certains titres du Disque-monde comme La Vérité ou Monnayé et ses suites, quand des industries modernes font leurs entrées dans un monde de fantasy, étrangement plus qu’à Mark Twain et son Un Yankee à la cour du roi Arthur qui a servi d’inspiration à Sprague de Camp et figure aussi dans ma bibliothèque (lisez-le également, Mark Twain est toujours excellent). En revanche, si vous voulez vous procurez ce livre, il vous faudra vous tourner vers les bibliothèques publiques ou les vendeurs d’occasion.

De peur que les ténèbres…
de
Lyon Sprague de Cam
traduction de
Christian Meistermann
Éditions
Marabout

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.