Entretien avec Yannick Chazareng

Après une co-écriture en commun autour de Tout Terry Pratchett, l’essayiste Yannick Chazareng est de retour chez ActuSF avec Sur les ailes du vent, un livre consacré à Hayao Miyazaki. A cette occasion, il nous explique ce qui le touche dans l’œuvre du réalisateur japonais. Petite précision, ayant moi-même écrit un livre sur Hayao Miyazaki pour Ynnis Editions et étant préfacière du livre de Yannick, je ne peux écrire de chronique objective sur celui-ci.

Jusqu’à présent, tes livres étaient centrés sur des écrivains – J.R.R. Tolkien, Stephen King ou encore Terry Pratchett – ou des œuvres littéraires – la saga du Sorceleur. Comment t’es venue l’envie de t’intéresser à un homme d’images comme Hayao Miyazaki ?
Je ne voulais justement pas m’enfermer dans une case, celle de l’auteur de non-fiction qui empile les guides sur les grands noms de la littérature dite de l’Imaginaire. Comme je suis autant un cinéphile qu’un lecteur, j’ai voulu changer de direction et aller voir un génie du 7Art, asiatique qui plus est, alors que, jusque-là je me cantonnais à l’Occident. Ils sont quelques-uns dans mon Panthéon personnel, Spielberg, Carpenter, et Miyazaki… J’ai choisi ce dernier parce que je voulais aussi changer de sphère d’influence.

Parmi la multitude de livres autour d’Hayao Miyazaki, comment as-tu voulu te distinguer ? Quel regard portes-tu avec ton livre sur ce cinéaste et son œuvre ?
J’essaie d’écrire des livres qui s’adressent à tout un chacun, et surtout à un public non expert sur le sujet, en espérant que quelqu’un d’averti y apprenne tout de même quelques petites choses. En essayant de m’adjoindre des personnes expertes pour diversifier les points de vue.

Sous quel angle as-tu voulu aborder l’artiste et son œuvre ?
Comme pour mes autres ouvrages, j’ai pensé celui-ci comme un mook, c’est-à-dire un recueil d’articles thématiques écrits comme pour des revues, chacun consacré à un sujet bien précis : la biographie de Miyazaki, ses influences, les thématiques les plus prégnantes de son œuvre ainsi que son héritage artistique, si tant est qu’on puisse parler d’héritier alors que sa carrière n’est officiellement pas terminée, à 84 ans révolus. Les thèmes abordés ne sont pas totalement le fruit de ma réflexion, mais je me base sur la littérature existante pour les développer, les adapter à ma sauce. Et parfois je fais de vraies découvertes, des éléments qui viennent corroborer ces théories qu’on ne trouve pas ailleurs, ou que je n’ai pas vu passer. C’est un panorama qui est loin d’être exhaustif et ne rentre pas en profondeur sur les sujets par manque de place, mais qui peut donner envie d’en savoir plus. C’est à ça que sert la bibliographie donnée en annexes de l’ouvrage.

 Quel élément t’a le plus surpris dans la vie ou l’œuvre d’Hayao Miyazaki ?
Ses films sont maintenant largement diffusés et rediffusés grâce aux plateformes de streaming. Il est facile de les voir et revoir. J’ai découvert ses mangas en travaillant sur cet ouvrage, et j’y ai découvert – là encore – un grand auteur, avec un dessin virtuose et une profondeur thématique inattendue. Lorsqu’on lit l’intégralité de Nausicaä de la Vallée du Vent, par exemple, on se rend compte que c’est beaucoup plus ambitieux que le long métrage, qui reste un chef-d’œuvre.

 À l’instant T, quels sont tes trois films préférés chez lui et comment les conseillerais-tu ?
Effectivement Miyazaki fait partie de ces créateurs qui comptent plusieurs chefs-d’œuvre. À l’instant T, je citerais Mon Voisin Totoro, une ode à la nature, aux kami, ces créatures spirituelles inhérentes à la religion shintô, avec une ambiance poétique unique. Souvenez-vous de cette scène où le totoro joue de l’ocarina au clair de lune avec Mei et Satsuki… Le Château ambulant est un film-somme qui comporte plusieurs thématiques fortes de l’œuvre de Miyazaki : le féminisme, sa haine de la guerre, les sorcières, sans oublier la virtuosité de l’animation. J’aime beaucoup Le Voyage de Chihiro également, que je trouve très riche au niveau des éléments abordés (notamment le rapport à la nature), et d’une élégance jamais atteinte dans le dessin.

Quels sont tes prochains projets d’écriture ? Toujours en non-fiction ? Un peu de fiction ?
Mon premier ouvrage, Hommage à J. R. R. Tolkien – Promenade en terre du Milieu, va connaître une réédition-augmentation à la rentrée, toujours aux Éditions Ynnis, où il était sorti il y a plus de cinq ans. C’est une grande fierté personnelle, car j’ai commencé mon activité d’auteur par un livre sur mon écrivain préféré, et le voir réédité en cartonné avec une couverture incandescente, ça fait plaisir. Je travaille sur un autre ouvrage s’intéressant à la sphère de l’imaginaire japonais, à sortir chez Ynnis l’année prochaine. Et après sept ouvrages de non-fiction, j’ai envie d’explorer de nouveaux horizons d’écriture. Lorsque j’aurai bouclé cet ouvrage pour Ynnis, je vais essayer de développer un projet de fiction que je porte en moi depuis près de dix ans, un scénario de bande dessinée que j’aimerais transposer en roman. Objectif 2026-2027.

Dernière questions : que lis-tu en ce moment ?
Je viens de finir La Fille qui sauva Hiroshima, un roman très court qui est sorti aux éditions Géphyre. Nous suivons l’enquête d’un historien dépêché par les autorités américaines, en 1960, sur les traces d’une petite fille japonaise qui aurait empêché à elle seule le bombardement de Hiroshima. Oui, c’est une uchronie, et j’ai bien aimé la façon dont l’auteur, Stéphane Desienne, enchaîne les séquences au début de son récit, entre la jeune Hitomi et l’honorable Grant Mallory. Il a creusé son sujet, notamment au sujet de l’équipage de l’Enola Gay, le bombardier ayant justement été envoyé pour larguer la bombe atomique sur la ville. Le format fait qu’il y a des raccourcis inévitables, mais j’ai passé un bon moment de lecture.

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