Sept raisons pour un abandon

Alors que janvier 2023 avait commencé sous les meilleurs auspices de lecture possible avec un gros pavé lu en VO en coup de cœur, janvier 2024 commence mal avec trois abandons coup sur coup et plusieurs lectures où je commence le livre pendant quelques pages – quelques cases mêmes pour certaines – et le repose aussitôt, peu convaincue. À tel point qu’il m’a fallu reprendre l’un de mes remèdes favoris pour me remettre en train : relire une vieillerie chérie. En l’occurrence, il s’agissait de Killdozer de Theodore Sturgeon qui m’a redonné enfin la satisfaction de me plonger d’une traite dans une histoire.
Pourquoi une telle série ? J’avoue que je sèche, même si je sais pourquoi individuellement je n’ai pas réussi à m’investir dans certains livres. Et pourquoi dans certains cas, j’exerce mon 3
droit de lectrice et je choisis de ne pas finir le livre ; et dans d’autres, je saute allègrement des pages.

1er cas

C’est finalement un cas assez rare : celui d’avoir l’impression de tourner en rond. Dans un guide lu récemment, l’auteur est brillant. Il écrit avec un trait piquant, ses anecdotes sont savoureuses et ses digressions bien amenées. Mais… de chapitre en chapitre, le propos qui sert de fond se répète encore et encore, à tel point qu’une fois le livre posé, impossible de savoir quelle partie parle de quoi. Un autre exemple est un très court roman paru il y a quelques jours dont le sujet est tellement rabâché dans tous les sens que non seulement j’ai eu l’impression en le lisant d’avoir déjà lu ce livre, de l’avoir déjà vu dans un épisode de série, mais presque de l’avoir déjà écrit. Voir arriver la conclusion logique dès les premières pages ne donne pas envie de pousser plus loin.

2cas

Le style ne passe pas. Et là, même avec la meilleure volonté du monde, si pour une raison X ou Y, je n’accroche pas au style, je vais me traîner pour lire le livre, même si le fond est passionnant. Quitte à ce que l’objet ayant pris la poussière trop longtemps sur la table, il finisse par être purement et simplement abandonné. Parmi les exemples récents – qui n’est pas encore officiellement un abandon – il y a un livre dont l’écriture de l’auteur présente les mêmes tics de langage que mes professeurs de droit social et de procédure pénale à la fac. Je lis un paragraphe, je me retrouve en amphi, trente ans plus tôt.

3cas

Les deux cas précédents étaient finalement plutôt rares. L’ennui est lui beaucoup plus courant. Nature Morte de Louise Penny en est l’exemple parfait. Au départ, il avait tout d’une lecture facile qui allait me plaire : une histoire policière au début intrigant (une vieille fille meurt d’une flèche dans le cœur), un cadre intéressant et une promesse de cosy mystery. Sauf que… Si l’ensemble est bien écrit et que j’enchaîne sans souci les pages, il ne se passe… rien. L’action s’embourbe dans les problèmes relationnels de voisinages, les péripéties sont forcées, et les personnages peu étoffés. Au final, passé la moitié du livre, j’ai réalisé que je me fichais de savoir qui avait tué cette pauvre institutrice et j’ai reposé définitivement le livre.

4cas

Trop de forme, pas assez de fonds. Ou plus exactement quand les auteurices se regardent faire de belles phrases bien calibrées (à leurs goûts) ou ajoutent des effets de mise en pages, mais sur du vide : il n’y a pas d’histoire proprement dite ou celle-ci est une accumulation de clichés. Souvent cette catégorie se repère de loin. Pour le dernier en date dans cette catégorie – un roman autoédité – j’avoue ne pas avoir été plus loin que le prologue et le premier chapitre. L’autrice avait illustré en-tête de chapitre, en-tête de page, pied de page, etc. Et elle faisait des phrases de cinq lignes (en grand format), sans avoir un dixième du talent de Marcel Proust (encore un auteur dont j’ai abandonné la lecture d’ailleurs).

5cas

Une inadéquation entre l’image et le texte. Ce cas-là est propre à la bande dessinée (tous types confondus). Je ne peux pas lire une bande dessinée avec une excellente histoire, si le style graphique ne me parle pas. Et vice-versa. Le meilleur coup de crayon du monde, s’il ne sert pas une histoire qui m’emporte, ne suffira pas à me retenir pour lire une BD, même d’une soixantaine de pages. Quand en plus, comme dans le dernier abandon en date, l’histoire – en l’occurrence une adaptation d’une nouvelle que j’ai déjà lue adolescente – ne me convainc qu’à moitié et que le dessin est très passe-partout sans réellement accrocher mon regard, l’album reste de côté.

6cas

L’exact inverse du 4e. Une forme peu soignée ou un manque de cohérence. Ayant un temps lu énormément de fanfics en français et en anglais, j’ai une tolérance assez grande face aux orthographes les plus fantaisistes, mais trop, c’est trop ,parfois. Surtout quand j’ai acheté un ouvrage à une grande maison d’édition (Bragelonne, on parle de La Meute qui visiblement n’a pas été relue ni même passée sous Antidote ?) Surtout, ce qui me sort du récit, c’est l’absence de cohérence. J’ai eu le cas récemment dans deux livres non terminés – un autoédité, et un publié par une maison d’édition reconnue- ou le nom d’un personnage change en cours de chapitre (et même pour l’un, dans un même dialogue étendu sur deux pages !) sans qu’il y ait une explication interne. Pire dans un cas, le nom originel revient comme si de rien n’était au chapitre suivant. Mauvais copié/collé, auteur (ou dans ce cas précis, traducteur) distrait, je ne le saurais jamais, n’ayant pas cherché le fin mot de l’histoire.

7cas

C’est moi, le problème. Si dans toutes les raisons précédentes, il y a une partie de subjectivité, la cause principale était à chercher dans le livre. Mais la raison principale de mes abandons, c’est moi. Une lecture, c’est une rencontre entre un texte et une lectrice. Parfois, il n’y a tout simplement pas d’atomes crochus. Un texte ne me parlera pas parce que le genre m’ennuie, que son sujet m’ennuie ou qu’il touche à des points sensibles que je refuse d’aborder en lecture et que je découvre en cours de route. Ou parce que je n’ai pas la disponibilité d’esprit pour l’aborder à ce moment-là. Nombre de livres ont été entamés puis mis de côté, car « ce n’était pas le bon moment ». Certains d’entre eux ont été retrouvés des années après… Et, souvent, ils ne seront pas lus, car mes goûts et mes envies ont évolué.

Et vous, pourquoi abandonnez-vous un livre ?

Cet article a 6 commentaires

  1. Claire

    Ma raison principale d’abandonner une lecture (bien que le cas soit très rare), c’est l’ennui. Il découle généralement de l’impression soit que l’histoire n’avance pas, soit qu’elle tourne en rond, ce qui à mon avis revient un peu au même, ou que je ne vois pas où l’auteur veut en venir.

  2. 20c and the books

    … Parce que j’ai beau chercher, je comprend strictement rien à ce que ca raconte. Mon dernier en date fut 2312 de KSR, où je ne comprenais strictement rien à l’univers. Et repartir avec cette sensation d’être un peu con…

    1. Stéphanie

      C’est que l’auteur a raté un truc. Pas toi.

  3. Par ennui en premier lieu,
    Ensuite, quand je tente des genres qui ne me conviennent généralement pas (fantasy, fantastique, horreur) et que je me dis : « je le savais, je ne me ferai plus avoir » …jusqu’au prochain !
    Parfois c’est juste une question de timing
    Et de temps en temps quand le militantisme devient manichéisme et oublie toutes nuances (et c’est souvent français ! lol)

  4. Pascale Hallé

    Ah, les auteurs confus, héritiers de Proust et de Pierre Repp, qui font des phrases à rallonges, subordonnées, adjectifs, parenthèses !
    Quand j’ai dû relire une phrase pour la comprendre, c’est agaçant, deux c’est navrant, trois, je ferme le livre !…

  5. Anna

    Ton billet m’a fait prendre conscience que je me pose très peu la question, en fait. Si l’envie de continuer n’est pas là, je ne continue pas. Spontanément, je dirais que les causes principales sont l’ennui, le trop-plein de violence, trop-plein de noirceur à des moments où je ne peux pas la digérer, les personnages trop antipathiques et les narrateurices infect·es (male gaze, sexisme, grossophobie, racisme…)

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