Il est des livres qui ne vous intriguent pas assez pour vous convaincre de les acheter la première fois que vous les croisez. Puis, des mois ou des années plus tard, vous y revenez par hasard ou pour une raison futile. Dans le cas de Semiosis de Sue Burke, sa couverture à dominante verte était parfaite pour remplir l’un des défis de l’imaginaire 2022 tel que lancé par Mondes de Poche et Navigatrice de l’imaginaire. Et avouons-le, après plusieurs livres entre fantastique et fantasy, j’avais envie d’un retour à la science-fiction plus classique.
Quoi de mieux qu’un « récit de premier contact » pour cela, comme le souligne le sous-titre du livre ?
Semiosis s’ouvre donc quelque temps après l’arrivée d’un vaisseau de peuplement terrien sur Pax. Celui-ci comprenait cinquante volontaires ayant choisi de quitter la Terre, sa violence et son effondrement écologique pour fonder parmi les étoiles une société plus juste, plus écologique et pacifique. Évidemment, l’humanité étant ce qu’elle est et l’autrice devant remplir les plus de 500 pages de son roman, tout ne se passera pas comme prévu. En effet, ils ne sont pas la seule espèce intelligente de Pax : certaines des formes de vie locales — tant animales que végétales — font preuve de talents pour la communication, la collaboration interespèce et la domestication. L’une d’entre elles en particulier, un genre de bambou, avait déjà été en contact quelques siècles plutôt avec d’autres visiteurs interstellaires. Elle y avait gagné en intelligence, mais également en désir de compagnie ou de domination.
Semiosis raconte comment tout ce petit monde va se découvrir, s’affronter et s’apprivoiser à travers plusieurs générations d’individus. En gros, et suivant l’indice du titre, à faire sens de la présence des autres. La première génération représente les humains venus de la Terre et les suivantes ceux qui sont nés sur Pax. Si la relation des humains avec leur environnement occupe une part importante du récit, ce sont surtout les relations des humains entre eux et leur capacité à éviter ou reproduire les erreurs de leurs ancêtres qui font tout le sel de ce roman. Il faut néanmoins suspendre grandement son incrédulité pour accepter la violence avec laquelle la génération « zéro » cache aux suivantes des informations essentielles pour la survie de tous sur la planète, quitte à aller à l’encontre des principes qui ont motivé le voyage et sans que l’on comprenne pourquoi une telle panique s’empare d’eux. À chaque chapitre, la narration est assurée par une ou plusieurs membres de la génération mis en avant. Et la façon dont chaque protagoniste raconte les événements vous attira plus ou moins. Personnellement, les récits de Sylvia et de Lucille m’ont passablement ennuyé l’un par les incohérences des personnages et l’autre par ses trop nombreuses longueurs. En revanche, j’ai trouvé les récits d’Higgins et de Tatiana très justes et l’évolution du ton de celui de Bartolomé est une conclusion parfaite à ce roman.
Si Semiosis ne révolutionnera pas le genre de l’interaction homme/végétal déjà abordé avec brio par les quatre tomes du Programme conscience de Frank Herbert ou même par le cycle de Jarvis de Christian Léourier, Sue Burke y ajoute des interrogations supplémentaires sur l’éthique intrahumaine qui fait de ce premier roman, une œuvre intéressante et plaisante à lire.
Semiosis
de Sue Burke
Traduction de Florence Bury
Éditions Livre de Poche