Le village des damnés

Si je connaissais déjà l’histoire du Village des damnés grâce à ses deux adaptations sur grand écran, le film de Wolf Rifa en 1960 et celui de John Carpenter en 1995, je ne gardais pas de grands souvenirs du livre de John Wyndham. Cette nouvelle édition chez J’ai lu est l’occasion de me rafraîchir la mémoire. Et pour un livre écrit en 1957, j’ai été très agréablement surprise par sa modernité.
L’action se passe à Midwich (l’ancien titre français du livre étant d’ailleurs
Les Coucous de Midwich), petit village de la campagne anglaise semblable à ceux décrits par Agatha Christie dans ses livres mettant en scène Miss Marple ou dans la série Inspecteur Barnaby. Un beau jour, tout le village, animaux compris, s’endort soudain pendant vingt-quatre heures. Au réveil, tout semble normal, sauf que… toutes les femmes et adolescentes en âge d’enfanter se retrouvent enceintes en même temps. Neuf mois plus tard, elles mettent au monde des enfants blonds aux yeux dorés, qui se développent très vite et de façon étrange.
À travers les
yeux d’un narrateur, dont le couple était absent de Midwich lors du « Jour noir », l’auteur nous montre la réaction des villageois et des autorités face à ce phénomène. Ses personnages ne sont pas des héros avides d’actions, ni des pleutres, mais juste des gens ordinaires confrontés à l’inexplicable. Et surtout, John Wyndham évite une posture entièrement patriarcale dans son livre (ce qui transparaît moins dans les différentes adaptations d’ailleurs), pourtant si courante à l’époque. Lors de la réunion publique concernant les grossesses, c’est une femme, Angela Zellaby, qui va présenter la situation et proposer les premières mesures de protection et de solidarité envers l’ensemble des mères, quel que soit leur statut marital. Parmi les personnages secondaires, il y a un couple de femmes d’un certain âge (seule la plus jeune tombe enceinte), parfaitement intégrées dans le village et présentées de telle façon qu’aucun doute n’existe sur leurs liens (la traduction française est quasi contemporaine de la parution à deux ans près). Certaines femmes n’ont aucune fibre maternelle avant même la naissance des enfants, et les abandonnent sans remords et sans jugement de valeurs portées sur elles. En revanche, le livre fait son âge quand il parle des populations inuits et mongoles confrontées à un phénomène similaire en des termes très « citoyen d’un empire colonialiste », dirons-nous. Et si le livre est divisé en deux parties – du « Jour noir » aux premiers mois des enfants, puis les événements se déroulant durant leur neuvième année –, il reste cohérent, même si le narrateur rapporte certains passages tels qu’on lui a raconté ou qu’il les a lus. La fin, abrupte, apporte un soulagement concernant le village, tout en laissant planer la menace, car nul ne sait d’où viennent ces enfants, et si d’autres vagues ne sont pas possibles. Si vous cherchez une lecture de SF patrimoniale, mais restant tout à fait appréciable au XXIe siècle, Le village des damnés est un très bon choix.

Le village des damnés
De John Wyndham
traduction d’Adrien Vei
llon
Éditions
J’ai Lu

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