S’il est un sous-genre de l’horreur qui ne me fait généralement pas frissonner, ce sont les histoires d’exorcismes et de possession. À l’exception notable de Prince of Darkness de John Carpenter, vu et revu, mais qui fonctionne parfaitement à chaque fois. C’est pourtant un sous-genre que je trouve très intéressant, car il permet d’explorer l’intime d’une société et de ce qui est considéré comme tabou pour celle-ci. Et dans cette optique, The Possession of Alba Díaz d’Isabel Cañas est le roman parfait.
Je l’ai choisi pour sa couverture et parce que j’avais besoin d’un autre livre dans une commande en ligne pour limiter les frais de port, alors que je ne connais pas du tout l’autrice. Et que vaguement son roman précédent, Vampires of El Norte, était entré dans mes « histoires de vampires à lire à l’occasion ».
Donc, dans ce troisième roman, Isabel Cañas nous entraîne dans la région de Zacatecas au Mexique (ou plutôt en Nouvelle Espagne comme l’endroit s’appelle au 18e siècle) en 1765. Là, Alba Díaz, fille adoptive de riches marchands profondément croyants, va épouser Carlos Monterrubio, fils d’une famille péninsulaire (c’est-à-dire fraichement arrivée d’Espagne) et propriétaire d’une mine d’argent. Quand une épidémie mortelle s’abat sur la ville, tout ce petit monde va se réfugier près de la mine, en compagnie d’Elías, cousin alchimiste de Carlos à la réputation sulfureuse. Et dans ce quasi-huis clos, quelque chose sort de la mine pour s’emparer d’Alba…
Oui, il y a du sang, de la sueur et des larmes dans ce roman. Oui, il y a des scènes horrifiques. Mais ce n’est pas pour autant, à mon sens, un roman d’horreur. C’est une histoire de libération et de rédemption mâtinée d’éléments fantastiques. L’histoire est racontée en alternance du point de vue d’Alba, une jeune femme rejetée pour son apparence pas assez « européenne » et qui cherche un mariage de convenance pour reprendre le contrôle de son propre corps, et de celui d’Elías, trentenaire qui a connu la ruine, les travaux forcés, les abandons et fuite et qui a été envoyé par-delà l’océan pour payer les dettes familiales. Généralement, ce genre d’histoire se réduit à un affrontement classique entre l’entité possesseuse contre les prêtres ou les autres protecteurs autoproclamés de la personne possédée. Ici Isabel Cañas va nous proposer une autre trame et multiplier les affrontements : familles contre familles, riches propriétaires contre travailleurs de la mine et des environs, colons contre indigènes, caste contre caste, Catholicisme contre croyances locales et émancipation féminine. Et le titre du livre prend alors tout son sens. L’entité maléfique qui s’est infiltrée dans Alba dans la mine n’est pas la seule à se battre pour la possession de la jeune fille et de ce que son cas représente. Outre les deux protagonistes, l’autrice dépeint des personnages secondaires complexes, comme Maria Victoriana ou Carlos, et raconte son histoire avec un tel allant qu’on se prend à tourner les pages les unes derrière les autres. Ses descriptions sont si vives qu’on se prend à rêver d’une adaptation cinématographique entre films de la Hammer et western moderne. Ce livre fut une très belle surprise et j’intégrerais certainement d’autres œuvres de cette autrice dans ma pile à lire.
The Possession of Alba Díaz
d’Isabel Cañas
Éditions Solaris
